François Hollande, le 29 avril 2017 à Bruxelles. | EMMANUEL DUNAND / AFP

C’était son dernier sommet européen – en l’occurrence, une réunion « spécial Brexit », à Bruxelles, samedi 29 avril. Grave, légèrement ému, François Hollande a profité de l’occasion pour défendre son bilan et livrer, à une semaine du deuxième tour de l’élection présidentielle, un vibrant plaidoyer pour l’Union européenne (UE). Un testament politique européen, avec « des regrets mais pas de remords » ?

« On trouve que l’UE ne va jamais assez loin », qu’elle peut être « lourde, opaque dans ses fonctionnements, irritante, préoccupante quant à ses divisions » mais cette Europe, « on finit par ne plus regarder ce qu’elle fait ». « Pourtant, a poursuivi le président, sa grande idée, c’est la protection, c’est de permettre à chacun de nos Etats d’être encore plus souverain. » 

Interrogé sur un bilan souvent critiqué, à Bruxelles, pour son manque d’ambition, M. Hollande a insisté, expliquant que « l’Europe a permis à la France d’obtenir un délai [de deux ans] pour atteindre son objectif de réduction des déficits ». C’est pour cette raison, que, contrairement à d’autres pays, elle « n’a pas connu de politique d’austérité ».

« L’Europe nous a aussi permis de mutualiser nos forces, la zone euro nous a permis d’avoir les taux d’intérêts les plus faibles de notre histoire, nous avons pu financer notre dette dans les meilleures conditions. »

Un « autre contexte » sous Hollande

Aurait-il dû davantage batailler pour une réorientation de l’UE en 2012, comme il l’avait promis avant d’accéder à la présidence, lui qu’on présentait alors comme l’héritier de Jacques Delors et de François Mitterrand ? François Hollande s’en défend, arguant d’un « autre contexte ».

« A l’époque, la question était de savoir si la zone euro allait éclater, les politiques d’austérité étaient généralisées. Mais cinq ans plus tard, l’Union bancaire a été bâtie, la zone euro est consolidée, la Grèce est restée dans la zone euro, grâce à la France. Et on a surmonté la crise financière. »

Le président a aussi tenu à défendre l’importance de la relation franco-allemande. « En 2012 nous ne nous connaissions pas avec Mme Merkel », mais « nous avons pu à chaque fois trouver des solutions pour l’Europe, nous avons réussi à faire avancer l’Allemagne sur la question de la défense. Elle a compris que nous, la France, devions à la fois réduire nos déficits et en même temps améliorer notre compétitivité. Cette relation doit perdurer au-delà des personnes. L’UE ne peut avoir confiance en elle que quand cette relation fonctionne ».

« Quitter l’UE, ce serait aussi quitter la France »

Que ferait Emmanuel Macron ? « S’il est élu, il sera un bon partenaire pour l’Allemagne car il défendra son pays et il est convaincu que plus d’Europe peut signifier plus de force pour la France aussi ».

Le chef de l’Etat a, au passage, voulu mettre en garde les Français : « Les forces extrémistes veulent sortir de la zone euro, mais, comme par hasard, au moment où elles sont dans la dernière phase de leur campagne, elles font tout pour masquer cet aspect de leur programme. Parce qu’elles savent bien que nos concitoyens ne veulent pas sortir de l’Union. […] Les électeurs ne doivent pas se laisser abuser ». 

Et si ces électeurs choisissaient Marine Le Pen ? « Il y aurait encore une Union mais elle n’aurait plus la force et serait d’une nature différente. La France est un pays fondateur, membre de la zone euro, de l’espace Schengen, qui possède la force de dissuasion, qui siège au Conseil de sécurité de l’ONU, qui représente toute l’histoire de l’UE ». Positif, il ajoute : « Je le connais bien le peuple français, il voudrait que l’UE soit encore plus protectrice mais il ne veut pas quitter l’UE, car ce serait aussi quitter la France ».

Samedi, les 27 États de l’UE (sans le Royaume-Uni) ont su faire preuve de l’unité qui leur fait souvent défaut face au Brexit à venir, adoptant sans problème leurs « priorités » pour la négociation du divorce à venir avec Londres. L’occasion était ainsi donnée au président français de rappeler, comme il le fait depuis des mois, à l’attention de tous les Français tentés par le vote Le Pen, qu'« un pays qui est à l’extérieur de l’Europe est dans une situation moins favorable qu’un pays qui est à l’intérieur ».

Les yeux européens braqués sur la France

Interrogés sur la situation française, les présidents du Conseil européen et de la Commission se sont, eux, montrés très prudents. Donald Tusk refuse de croire à un effet de contagion du Brexit, qui pourrait entraîner le « Frexit » prôné par Mme Le Pen. Le responsable polonais estime que le début du processus enclenché par la décision des Britanniques a surtout démontré l’« exceptionnelle unité » des Vingt-Sept. Et il estime que les citoyens proeuropéens sont, aujourd’hui, bien plus nombreux que ceux qui veulent la fin de l’Union.

Jean-Claude Juncker, lui, hésite visiblement à adresser un message aux Français, craignant l’effet contre-productif de ses éventuelles déclarations. « Que je m’exprime ou non sur une élection nationale, on me tombe dessus », ironise-t-il. Il ajoute cependant, en évoquant l’avenir de Europe : « Je dirais aux Français de rester Français. Qu’ils ne quittent pas une grande ambition, la construction de l’Europe, qui a été celle de tous leurs présidents. Le moment n’est pas venu de désintégrer ce qui fut si difficilement intégrable ».

Et, au passage, le Luxembourgeois salue François Hollande : « Ce fut sa dernière réunion. Je voudrais saluer l’exemplarité de son passage ». Les autres responsables européens n’ont rien dit, ou si peu, inquiets et impatients avant ce second tour vers lequel ils ont tous les yeux braqués.