En matière fiscale comme ailleurs, les candidats multiplient les promesses. Baisses d’impôts massives d’un côté, réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune de l’autre : les programmes de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron vont tous les deux amputer de plusieurs milliards d’euros les recettes de l’Etat. Contribuant, potentiellement, et chacun à sa mesure, à un dérapage du déficit. Or, pour rester dans les clous des traités européens, celui-ci ne doit pas dépasser 3 % du produit intérieur brut (PIB), contre 3,4 % en 2016.

Du côté de Macron, on se targue d’avoir depuis longtemps intégré cet impératif, préalable à toute négociation ultérieure avec le partenaire allemand sur l’avenir de la zone euro. Dans les faits, le programme d’En marche ! n’est pas exempt de zones de flou. Ses mesures devraient provoquer une perte de recettes d’une vingtaine de milliards d’euros au cours du quinquennat.

Plus ennuyeux, « les économies prévues [60 milliards d’euros] sur la dépense publique devraient être progressives, alors que les mesures fiscales – soutien aux classes moyennes par la réduction de la taxe d’habitation, exonération de cotisations pour les heures supplémentaires, baisse à 25 % de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises… – sont attendues assez vite », observe Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques.

Enfin se pose la question de la « double année » liée à la réforme du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Concrètement, en 2018, il s’agira de le transformer en baisse de charges pour les entreprises, tout en leur accordant également le crédit d’impôt de l’année précédente. De quoi faire déraper le déficit. « Nous allons demander à ce que ce coût supplémentaire ne soit pas comptabilisé par Bruxelles », assure-t-on dans l’entourage du candidat.

Enfin, « beaucoup des mesures fiscales du programme de M. Macron ne sont financées que par une réduction des dépenses publiques (santé, collectivités locales, fonctionnaires…), ce qui pose question », indique M. Plane.

Difficilement conciliable

Mme Le Pen, elle, finance son programme en direction des classes moyennes et des TPE-PME par une taxe à 3 % sur les produits importés, et des économies sur la fraude sociale, l’optimisation fiscale, l’immigration et l’Union européenne (60 milliards). La candidate prétend s’« affranchir du diktat de Bruxelles ». Ce qui ne l’empêche pas de prévoir un fort recul du déficit (1,3 % seulement en 2022), difficilement conciliable avec son programme.

« Tout cela serait assez vite balayé par la sortie de l’euro, qui aurait un coût autrement plus important pour les finances publiques », assène M. Plane.

Enfin, sur les objectifs de croissance, M. Macron présente des hypothèses modestes mais plus réalistes (1,4 % en 2017 et jusqu’à 1,8 % en 2022). Celles de Marine Le Pen, nettement plus élevées (2 % de hausse du PIB dès 2018, 2,5 % en 2022), « passent totalement sous silence les effets très négatifs d’une sortie de l’euro. Elles ne conservent que les aspects positifs de la dévaluation monétaire induite par un retour au franc », observe M. Plane.