Le nègre d’un chancelier ne devrait pas écrire cela… Voilà ce que s’est peut-être dit Heribert Schwan en apprenant, jeudi 27 avril, que le tribunal de Cologne le condamnait, ainsi que sa maison d’édition, à verser 1 million d’euros de dommages et intérêts à l’ancien chancelier allemand Helmut Kohl (1982-1998) pour avoir publié un ouvrage que ce dernier n’a pas du tout apprécié.

Entre eux, tout avait pourtant bien commencé. Journaliste renommé, M. Schwan s’était vu confier par M. Kohl la rédaction de ses Mémoires. Entre mars 2001 et octobre 2002, les deux hommes se sont rencontrés une centaine de fois. Six cent trente heures de conversations qui, à l’origine, devaient servir de matière à quatre volumes. Trois seulement paraîtront. En 2011, M. Schwan publie en effet un autre livre dans lequel il insinue que M. Kohl est en partie responsable du suicide de sa femme, Hannelore, dix ans plus tôt. La rupture est consommée.

« Un vrai traître »

Faute d’un quatrième tome de Mémoires, M. Schwan se lance alors dans un autre projet. Intitulé Vermächtnis (« Héritage », éd. Heyne, non traduit), ce nouvel ouvrage paraît en 2014. Le retentissement est énorme. Et pour cause : M. Kohl y assassine, entre autres, son ancienne dauphine, Angela Merkel, dont il dit qu’elle « n’a aucune idée » et « ne savait même pas manger avec un couteau et une fourchette », ou encore son ex-camarade de parti Christian Wulff, futur président de la République (2010-2012), décrit comme « un vrai traître » et « un nul ».

Très diminué depuis l’accident cérébral dont il a été victime en 2008, M. Kohl s’estimera trahi par son ancien nègre, l’accusant d’avoir publié sans son autorisation des citations tirées de conversations vieilles de près de quinze ans dans le seul but de donner de lui l’image d’un homme cassant et aigri. La justice lui a donc donné raison. Les avocats de M. Schwan, de Tilman Jens, qui l’a assisté dans la rédaction du livre, et de leur éditeur ont annoncé qu’ils feraient appel.