Des manifestants dans l’enceinte du Parlement de Macédoine, le 27 avril, à Skopje. | Boris Grdanoski / AP

Même selon les standards de la Macédoine, où la crise politique qui s’éternise depuis deux ans provoque des éruptions de violence régulières, les images sont impressionnantes. Jeudi 27 avril au soir, le Parlement macédonien a été investi par plusieurs dizaines d’individus violents qui y ont semé la terreur pendant près d’une heure. On a vu Zoran Zaev, le chef de l’opposition sociale-démocrate (SDSM) et prétendant au poste de premier ministre, le visage et la chemise maculés de sang, protégé par d’autres députés, eux-mêmes blessés. Les images amateur de la scène ont également montré des journalistes frappés, des fauteuils lancés sur des parlementaires de l’opposition, une députée traînée par les cheveux et plusieurs de ses collègues tenter d’échapper à ce déferlement en sautant des balcons.

Les agresseurs, dont certains avaient le visage cagoulé, appartiennent à des groupes d’extrême droite et nationalistes qui participaient à une manifestation en soutien au parti nationaliste VMRO-DPMNE, qui refuse de céder le gouvernement à l’opposition. Les timides dénégations du président Gjorge Ivanov, qui a fait une brève apparition télévisée dans la soirée pour appeler à l’apaisement, lèveront difficilement le soupçon d’un lien entre les agresseurs du Parlement et le pouvoir.

Le VMRO-DPMNE, arrivé en tête des élections législatives du 11 décembre 2016 mais incapable de former une coalition, est depuis dans une stratégie d’obstruction, s’opposant à la formation d’une majorité alternative regroupant les sociaux-démocrates et les partis albanais (25 % de la population). Il bénéficie notamment pour cela de l’appui du président Ivanov, qui refuse de confier à Zoran Zaev, le dirigeant social-démocrate, le soin de former une coalition. Selon Gjorge Ivanov, l’accord conclu entre le SDSM et les partis albanais menace la souveraineté et l’intégrité de la Macédoine, parce qu’il prévoit de faire de l’albanais la deuxième langue officielle, une concession délicate dans un pays encore marqué par les affrontements interethniques de 2001.

Les Occidentaux démunis

Jeudi soir, l’attaque est intervenue après que le SDSM et les partis albanais venaient d’élire un nouveau président du Parlement, d’ethnie albanaise, une manœuvre et une menace pour le pouvoir en place. Les dernières années de règne du VMRO-DPMNE ont été marquées par une succession de scandales de corruption et d’abus de pouvoir qui menacent jusqu’à son chef historique, Nikola Gruevski. Celui-ci appelle à de nouvelles élections et envoie régulièrement ses partisans dans la rue.

Les Occidentaux, arbitres traditionnels des querelles politiques macédoniennes, se retrouvent démunis face à la radicalisation des deux camps, quand bien même la Macédoine, petit pays de 2 millions d’habitants, est candidate à l’adhésion à l’Union européenne. Jeudi soir, Bruxelles a rapidement condamné les violences, tout en estimant que l’élection du président du Parlement constituait un pas « positif », ce qui risque de crisper encore un peu plus le pouvoir. Début 2016, l’UE et les Etats-Unis avaient réussi à arracher au gouvernement une solution de compromis avec l’organisation d’élections anticipées. Depuis, le camp de M. Gruevski assimile toute critique étrangère à une ingérence inacceptable et bénéficie d’un soutien de plus en plus marqué de la Russie.