« Les raisons qui poussent un adulte à reprendre des études universitaires sont multiples. Cet engagement vient, d’abord, d’un intérêt pour le contenu de la formation, pour le savoir. La dimension identitaire, l’image de soi, entre aussi en jeu : il s’agit de se prouver à soi-même qu’on est capable de relever ce défi. Les motivations répondent enfin à un projet de mobilité de carrière. Dans tous les cas, l’individu puise en lui-même les sources de sa motivation. C’est d’ailleurs lui qui a le plus souvent identifié la formation, il est rare qu’elle soit prescrite par l’employeur ou l’entourage.

Les facteurs extrinsèques interviennent davantage par la suite, quand le cursus est commencé. Le soutien de la famille et des amis, mais aussi et surtout celui des autres étudiants, joue un rôle important pour persévérer. Car suivre une formation à l’âge adulte représente un investissement lourd. Alors que, pour la plupart des gens, concilier vie personnelle, familiale et professionnelle constitue déjà un exercice d’équilibriste, ces adultes-là ajoutent un quatrième paramètre : la vie étudiante.

En outre, suivre une formation universitaire donne une autre compréhension des problèmes, une autre vision du monde, ce qui peut fortement bousculer les constructions antérieures et avoir un impact sur le plan personnel et professionnel. Les individus peuvent se heurter à un questionnement identitaire : qui suis-je face à ma famille, mon entourage, mes collègues ?

Je constate également que ces adultes rencontrent souvent des difficultés cognitives. Les exigences universitaires leur paraissent trop théoriques, trop éloignées de leur pratique professionnelle. Il ne faut pas oublier qu’ils sont sortis de l’école il y a dix ou vingt ans ou que certains d’entre eux n’ont jamais obtenu de diplôme universitaire. Résultat : ils ne sont pas ou plus dans cette rigueur de l’apprentissage. C’est pourquoi certains établissements proposent des modules spécifiques pour apprendre la méthodologie du travail universitaire. C’est le cas, par exemple, de l’Université catholique de Louvain où je travaille : des conseillers interviennent en début du cursus pour discuter du projet, au cours de l’apprentissage pour aider à articuler la théorie et la pratique, et à la fin pour aider les diplômés dans leur réinsertion professionnelle.

D’après un sondage de l’Association européenne des universités, 65 % des établissements interrogés en 2015 développaient une stratégie pour accueillir le public adulte, contre 39 % en 2010. On a progressé mais il reste encore beaucoup à faire... »