Pour retrouver le prestige qu’elle mérite, la France, notre pays, aspire à une véritable révolution dans les cœurs et les esprits. A condition que les programmes proposés par les candidats à l’élection présidentielle redoublent, au second tour plus encore qu’au premier, d’audace et d’imagination.

Avec une population de 67 millions d’habitants, un taux de chômage de près de 10 % de la population active, un PIB de 2 806 milliards d’euros, une croissance non dynamique de 1,2 %, un endettement record de 2 200 milliards d’euros (et 50 milliards d’euros annuels d’intérêts), un taux de prélèvements obligatoires de 47,7 % et une durée du travail limitée à 35 heures, la France peut et doit retrouver son lustre d’antan en ouvrant quatre grandes portes : un engagement fort dans l’écologie et les services numériques ; un accroissement du temps de travail (pas la durée légale) et un renforcement de l’entreprenariat ; une forte promotion de l’innovation et des start-up, un équivalent français de la Silicon Valley ; et enfin un vaste plan de croissance basé sur les débouchés de marché en Afrique.

Réussir ensemble ou échouer séparément

Pourquoi l’Afrique ? Tout simplement parce que la relance économique de la France et l’émergence de l’Afrique constituent un seul et même problème : nous réussirons ensemble ou nous échouerons séparément. La population de l’Afrique francophone – 402 millions de personnes soit un tiers de la population du continent – est jeune et dynamique et, surtout, peut représenter un marché tout aussi important que celui de l’Union européenne dont la population était de 510 millions d’habitants en 2016.

Avec l’ambition de devenir émergente à l’horizon 2020, la Côte d’Ivoire, sous la présidence d’Alassane Ouattara, en offre une belle illustration : une croissance moyenne de 9 % par an avec un plan d’investissements de 60 milliards de dollars (55 milliards d’euros) sur cinq ans. Les besoins en énergie de la Côte d’Ivoire s’élèvent à 20 milliards d’euros. Les besoins en eau, en infrastructures, dans l’agriculture, les télécommunications, la santé, l’éducation, sont tout aussi importants. Au total, le besoin en investissements des 26 pays francophones du continent porte sur 1 500 milliards d’euros sur les cinq prochaines années. Pour la France, c’est une aubaine à saisir.

Une croissance supplémentaire de 5 % de son PIB représenterait annuellement 140,3 milliards d’euros supplémentaires, soit plus de 700 milliards durant le prochain quinquennat ! Comment la France pourrait-elle financer un tel programme avec de 2 200 milliards d’euros de dette et un PIB de 2 806 milliards d’euros, s’interrogeront les moins audacieux ?

En mettant en œuvre un nouveau plan Marshall, un montage financier global portant sur un portefeuille de programme sécurisé et économiquement viable dans le cadre d’un vaste fonds de développement durable en Afrique francophone, conduit et piloté par la France, au profit de l’Etat et des entreprises françaises – et non par l’Europe qui ne partage quasiment rien avec l’Afrique francophone. Comme en 1947 entre les Etats-Unis et l’Europe, il s’agirait d’un vaste partenariat public-public, soutenu par la Banque de France et le Fonds monétaire international (FMI), dans des secteurs porteurs, profitables et en adéquation avec les Objectifs du millénaire (ODM). La dernière étude annuelle de la Banque de France sur la composition et l’évolution des placements des ménages (4 300 milliards d’euros en 2016) confirme la réputation de champions de l’épargne des Français, qui pourraient trouver là une bien meilleure rémunération en participant à la relance de l’économie française et à l’émergence de l’Afrique.

Inverser la courbe de l’immigration

Je comprends fort bien qu’une nation qui se morfond devant le spectacle de son propre affaiblissement, qu’un pays en équilibre instable sur le fil de sa propre histoire éprouve quelques hésitations à se projeter vers de nouveaux horizons et préfère la nostalgie paresseuse à une aventure exaltante mais pleine d’imprévus. Pourtant, il faudra bien un jour que notre grande nation renonce à se satisfaire de ce qu’elle a été et se décide enfin à construire la grande nation qu’elle peut être à nouveau demain.

Les combattants de la République refusent dans leur immense majorité d’avoir à choisir entre le redressement de la France et sa vocation à s’ouvrir au monde et à parler en son nom. Seule une stratégie radicalement innovante nous permettra de tourner résolument la page du pessimisme et du déclin.

Cette stratégie consiste à s’ouvrir au monde et à considérer que le problème français et la question de l’Afrique doivent s’exprimer et se résoudre en une seule et même équation : il n’est pas possible de susciter un immense mouvement de renaissance de la France sans l’associer étroitement à la montée en puissance de l’émergence de l’Afrique. Allons plus loin : si l’on veut éviter que de plus en plus de jeunes Africains rêvent de s’exiler en France, il faut tout autant que des jeunes Français caressent l’idée de s’expatrier durablement en Afrique ! Je n’hésite pas à exprimer ici ce conseil dérangeant : jeunes Français, allez en Afrique pour aider les Africains à y rester ! Le temps est venu d’inverser la courbe de l’immigration, en encourageant nos compatriotes à investir massivement et à travailler durablement en Afrique. Le temps est venu de stopper le mouvement de fuite des cerveaux et d’inciter les jeunes Français à s’expatrier : que les tablettes remplacent les roquettes, le développement, la croissance et la paix ne pourront qu’y gagner.

Ibrahim Magassa, citoyen français, est banquier d’affaires et cofondateur de l’Afrique Business Club.