Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à Ramallah, en 2015. | ABBAS MOMANI / AFP

Deux mois et demi après Benyamin Nétanyahou, le président de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, est à son tour attendu à la Maison Blanche, mercredi 3 mai. Cette première rencontre avec Donald Trump n’a été précédée que d’un bref entretien téléphonique entre les deux hommes. Malgré ce peu d’égard à l’attention de l’AP, M. Abbas a fait preuve de déférence à l’égard de la nouvelle administration américaine, à la fois par calcul et faute d’une autre option.

Cette visite intervient alors que le « raïs », très impopulaire, s’est engagé dans un nouveau bras de fer avec le Hamas. Le mouvement islamiste, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007, a choisi ce moment pour présenter, lundi 1er mai, sa nouvelle charte, qu’il a voulue dépouillée des relents antisémites du passé et plus acceptable aux yeux des pays occidentaux.

La nouvelle charte du Hamas, que M. Nétanyahou a immédiatement qualifié d’« écran de fumée », affiche pourtant la réconciliation nationale comme l’un de ses objectifs. C’est en son nom que le mouvement islamique dit accepter la perspective d’un Etat dans les frontières de 1967. Il ne désigne plus les juifs comme ennemis, préférant s’en prendre au « projet sioniste », qui serait « raciste, agressif, colonial et expansionniste ».

Le Hamas, que les Etats-Unis et l’Union européenne considèrent comme une organisation terroriste, se positionne comme un mouvement palestinien et islamique de libération, sans revendiquer une affiliation aux Frères musulmans. Cela lui permet ainsi de faire un geste symbolique à l’égard du président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, qui impose toujours, comme Israël, un blocus à la bande de Gaza.

Les intentions de Trump restent obscures

Derrière cet affichage plus lissé, le Hamas est, dans les faits, en conflit ouvert avec Mahmoud Abbas. L’AP a décidé de réduire les salaires des employés des services publics dans ce territoire, puis de cesser le paiement mensuel de la note d’électricité fournie par Israël. La centrale électrique de Gaza, sans réserves de fuel, est presque à l’arrêt. M. Abbas, qui n’a toujours pas commenté publiquement ces pressions exercées sur le Hamas afin qu’il remette les clés du territoire, trouve face à lui un mouvement rejetant tout compromis.

Des militants du Hamas manifestent contre le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à Khan Younès, dans la bande de Gaza, le 14 avril. | IBRAHEEM ABU MUSTAFA / REUTERS

Face à ces tensions, les intentions de Donald Trump demeurent obscures. Il pourrait effectuer une visite de vingt-quatre heures en Israël le 22 mai. La presse israélienne rapporte son souhait d’impliquer l’Egypte et la Jordanie dans une conférence régionale. Le contexte paraît très défavorable à toute avancée. Benyamin Nétanyahou n’a aucune envie de faire un geste à l’égard des Palestiniens, par pessimisme personnel et prudence politique, sachant que sa coalition imploserait. Le gouvernement israélien mise au contraire sur l’affrontement persistant entre factions palestiniennes. De son côté, Mahmoud Abbas, affaibli, n’a pas de marge de manœuvre. En préalable à sa visite à Washington, et avant celle à Moscou le 11 mai, le leader palestinien a rencontré le président égyptien et le roi Abdallah II de Jordanie.

La direction palestinienne s’est abstenue de toute critique virulente envers l’administration Trump, malgré des signaux inquiétants, comme la désignation d’un nouvel ambassadeur en Israël, David Friedman, fervent partisan des colonies. Le pari des négociateurs palestiniens était que le nouveau président devrait fatalement revenir dans un cadre traditionnel de discussions s’il comptait relancer un processus politique. Même le fait que Donald Trump ne revendique pas la solution à deux Etats lors de sa conférence de presse avec Benyamin Nétanyahou, le 15 février, ne les a pas inquiétés. Le report du déménagement de l’ambassade à Jérusalem a été accueilli avec soulagement. Interrogé il y a quelques jours par l’agence Reuters au sujet de ce geste promis pendant sa campagne, le président américain a répondu : « Redemandez-moi dans un mois. »

La question des aides sociales aux « martyrs »

En revanche, certaines des attentes de l’administration Trump, rappelées par l’intermédiaire de l’envoyé spécial chargé des négociations internationales, Jason Greenblatt, suscitent un vrai inconfort. Il s’agit notamment de la fin des aides sociales accordées aux « martyrs », qu’il s’agisse des quelque 6 500 prisonniers de sécurité détenus en Israël ou des familles d’assaillants tués.

Ce sujet est devenu un leitmotiv chez Benyamin Nétanyahou, comme une condition préalable au dialogue. « Pour que la paix vienne, ceci doit s’arrêter » : c’est ainsi qu’est titrée une vidéo diffusée le 27 avril par le compte Twitter du premier ministre, compilant des propos d’anonymes et de dirigeants palestiniens incitant à la violence contre les juifs.

M. Nétanyahou n’ignore pas que ces aides font l’objet d’un consensus au sein de la société palestinienne. Les remettre en cause serait perçu comme une trahison de l’AP, déjà discréditée auprès d’une majorité de Palestiniens en raison de la coordination sécuritaire avec les forces israéliennes. Ce sujet est d’autant plus sensible que se poursuit, depuis le 16 avril, dans une indifférence générale côté israélien, la grève de la faim de près d’un millier de prisonniers palestiniens.