Rassemblement du 1er mai organisé par la nouvelle Fédération sud-africaine des syndicats (Saftu) à Durban, en Afrique du Sud. | ROGAN WARD / REUTERS

« Nous avons hâte de partager nos idées et nos réussites avec le reste du continent et du monde ! », s’enthousiasmait le président sud-africain, Jacob Zuma, à la veille du Forum économique mondial sur l’Afrique, que son pays doit accueillir du mercredi 3 au vendredi 5 mai dans la ville de Durban (est). Une déclaration un brin décalée, le dirigeant étant en proie, chez lui, à un mouvement de contestation inédit. Affaibli par une série de scandales de corruption, M. Zuma a été forcé, lundi, de quitter sous les huées un rassemblement du 1er mai.

Sur le front économique, les nouvelles sont médiocres. Après le limogeage, fin mars, du respecté ministre des finances, Pravin Gordhan, les agences de notation financière ont dégradé la note souveraine du pays en catégorie « junk » – celle des investissements spéculatifs, autrement dit très risqués. Riche en minerais, l’Afrique du Sud a été ébranlée par la chute des prix des matières premières et a enregistré, l’an dernier, une croissance quasi nulle. Un léger rebond est attendu en 2017. Trop modeste pourtant dans un pays où la population active croît de 4 % chaque année.

« Mais nous ne sommes pas encore sortis du bois »

Coup d’arrêt brutal, puis timide redressement, la trajectoire de la première économie du continent est à l’image de celle de toute l’Afrique subsaharienne, sur laquelle se pencheront anxieusement les participants du Davos africain. 2016 s’est soldée comme une année noire : avec une croissance de 1,3 %, la région a réalisé sa plus mauvaise performance depuis plus de vingt ans. Une nette césure avec la dernière décennie, quand les taux de croissance galopaient de 5 % à 7 %, installant la perception d’un continent en pleine émergence.

La baisse des cours du brut et des métaux explique l’essentiel de ce coup de frein. La volatilité des monnaies a aggravé la donne pour les plus gros producteurs de pétrole que sont le Nigeria et l’Angola. Avec l’Afrique du Sud, ces mastodontes ont pesé lourd dans la balance. En les excluant tous les trois, la croissance dans la région a atteint 4,1 % en 2016, indiquait la Banque mondiale dans son rapport semestriel sur l’Afrique, publié fin avril.

Les prix des matières premières ayant commencé fin 2016 à se redresser, la croissance devrait accélérer… un peu. Pour 2017, la Banque prédit une augmentation du produit intérieur brut (PIB) de 2,6 %. « Mais nous ne sommes pas encore sortis du bois », a mis en garde Albert Zeufack, le chef économiste pour l’Afrique de la Banque mondiale. La croissance devrait à peine dépasser la hausse démographique.

Logique d’endettement rapide

Marc Friso, vice-président à la Société générale et spécialiste de l’Afrique, juge ainsi :

« La remontée des cours est encore trop faible. On espère une amélioration, mais beaucoup de pays se sont endettés et certains, qui dépendent complètement des matières premières pour leurs recettes budgétaires, pourraient se retrouver asphyxiés. »

Cette logique d’endettement rapide s’est installée pendant les années de forte croissance. Au début des années 2000, alors que les cours étaient au plus haut et que de nombreux pays africains venaient de voir leur dette annulée dans le cadre de l’initiative Pays pauvres très endettés, les capitaux étrangers ont été mobilisés pour financer l’investissement public. Mais l’heure n’est plus à l’euphorie. Et le Fonds monétaire international (FMI) exhorte les pays en crise à juguler leurs déficits.

« Heureusement, on est encore loin des problématiques de surendettement telles que dans les années 1990, souligne Vincent Caupin, économiste à l’Agence française de développement. Mais il faut inverser la tendance pour ne pas s’y retrouver. » Un impératif qui nécessite un dosage intelligent pour ne pas trop peser sur l’activité, note l’expert.

« Certains pays s’en sortent très bien »

« Signe des déséquilibres que connaît la région, le FMI y est de plus en plus actif », indique Victor Lopes, économiste chez Standard Chartered. Tous les pays de la Communauté économique et monétaire des Etats d’Afrique centrale, une sous-région de la zone franc, sont ainsi en négociation pour une aide financière. Les pourparlers se poursuivent aussi avec le Mozambique, officiellement en défaut de paiement, comme avec la Zambie. Le Nigeria et l’Angola ont, eux, refusé de faire appel à l’institution.

Pour autant, le tableau ne doit pas être noirci à l’excès. « Les situations sont contrastées, et certains pays s’en sortent très bien », insiste M. Lopes. C’est le cas du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, de l’Ethiopie ou de la Tanzanie. Ces économies, fondées sur d’autres ressources que les mines et les hydrocarbures, devraient voir leur PIB augmenter de 5 % à 7 %. Elles ont su, pour certaines, engager des réformes saluées par les investisseurs et mettre en place une diversification de leur modèle.