Mieux vaut vendre des robes Dior et des sacs Louis Vuitton que d’extraire et raffiner du pétrole ! C’est peut-être la réflexion que s’est faite le PDG de Total, mercredi 3 mai, en regardant son cours de Bourse. La major pétrolière dirigée par Patrick Pouyanné a en effet été détrônée de son rang de première capitalisation de la place de Paris par le numéro un mondial du luxe, LVMH, qui ne cesse de se valoriser pour le plus grand bonheur de ses actionnaires. En un an, le titre Total est passé de 41 à 46 euros, celui de LVMH de 145 à 231 euros.

Mercredi, à la clôture de la Bourse, LVMH valait ainsi 117 milliards d’euros et Total 116,113 milliards. « C’est une première depuis la fin des années 1980, puisqu’il y avait habituellement des valeurs de l’industrie lourde en tête des capitalisations », a expliqué Andrea Tueni, analyste chez Saxo Banque, à l’Agence France-Presse (AFP).

Chute du prix du baril

Total a beau faire preuve d’une bonne résilience depuis la baisse du prix du baril, tombé de 115 dollars mi-2014 à 50 dollars aujourd’hui, la valeur reste peu attractive. Depuis le début de l’année, l’action a enregistré un recul de 4 % alors que l’indice CAC 40 s’appréciait de plus de 8 %. Il est vrai que la compagnie a toujours été sous-évaluée en Bourse par rapport à ses concurrentes anglo-saxonnes ExxonMobil, Shell et Chevron. Ce dernier pèse deux fois plus en Bourse pour une taille comparable.

A l’inverse, le titre LVMH a gagné près de 27 % depuis janvier, tandis que son concurrent Kering augmentait de 33 % et signait la meilleure performance de l’indice phare de la Bourse de Paris. Malgré un ralentissement du marché chinois, notamment lié aux lois anticorruption édictées par Pékin en 2012, le géant du luxe enregistre de très bons résultats. Au premier trimestre, ses ventes ont progressé de 15 % et frôlé dix milliards d’euros. Et quand LVMH a annoncé le 25 avril l’absorption totale de Dior, un des joyaux de l’empire du milliardaire Bernard Arnault, le titre a immédiatement grimpé de 7 %.

Des pentes opposées

Ce n’est pas la première fois que Total est détrôné, mais il l’avait toujours été par de grands groupes industriels. En 2000, porté par la bulle Internet et l’essor des télécommunications, Orange l’avait un moment devancé, avec alors un peu plus de 100 milliards d’euros. Puis en juin 2007, près de deux ans après son introduction en Bourse, EDF avait pris la tête du CAC 40 devant Total, avec plus de 130 milliards. Endetté, confronté à d’énormes investissements dans le nucléaire et plombé par la forte baisse des prix de gros de l’électricité, le groupe d’électricité a dû quitter le CAC 40 fin 2016. Enfin, le groupe pharmaceutique Sanofi, dont Total fut longtemps un des principaux actionnaires, a dépassé deux fois la major pétrolière, en 2012 puis fin 2015.

Il est trop tôt pour dire si LVMH conservera longtemps cette première place. Mais les valeurs des deux entreprises suivent des pentes opposées : depuis 2014, la capitalisation de Total est passée de 170 milliards à 116 milliards. Fin 2007, en plein boom des cours pétroliers, la major pesait plus de 200 milliards, soit 20 % de la capitalisation boursière de Paris. La valeur est très exposée aux cycles pétroliers et à la volatilité du baril, qui peut durer des années, ainsi qu’aux pressions de l’opinion sur le secteur des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz).

La valeur de LVMH, elle, n’a cessé de croître : elle s’élevait à quelque 40 milliards il y a dix ans et dépasse aujourd’hui 116 milliards. La tendance a été plus porteuse ces dernières années et les investisseurs apprécient des valeurs de croissance moins exposées que les compagnies pétrolières ou minières.