Avec une petite équipée de militants, nous rentrons d’une « marche africaine ». Au cours de ces 3 200 km, parcourus à travers la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Mali et le Sénégal, nous qui étions venus simplement échanger avec les Africains de l’Ouest autour du programme d’Emmanuel Macron, nous avons été tour à tour étonnés, ébahis, éblouis, impressionnés, touchés, fêtés, stimulés, revigorés et bien d’autres choses encore. Cette « marche africaine » s’est révélée pour chacune et chacun d’entre nous une expérience humaine, une de celles que l’on n’oublie pas, une de celles qui vous font sentir que décidément l’énergie, l’imagination et la créativité sont au pouvoir au bord de la lagune Ebrié ou sur les rives du Djoliba et que le monde, l’Europe, la France l’ignorent encore trop souvent.

Nous revenons de ce périple pleins de ce que nous y avons vu. Nous avons vu des élus démocratiquement choisis par leur peuple qui prennent à bras-le-corps les défis du XXIe siècle. Nous avons vu des chefs d’entreprises innovants qui créent une richesse ne devant plus rien aux matières premières. Nous avons vu des opérateurs téléphoniques qui se transforment en banques. Nous avons vu un jeune start-uper, associé à un artiste, qui réalise des meubles avec des barils de pétrole. Nous avons vu un jeune incubateur qui porte un outil de connexion satellitaire permettant à chacun d’avoir une connexion Internet avec une simple parabole sur un toit. Nous avons vu des embryons de la première usine de codage informatique du monde sans qui demain aucune innovation ne pourra être possible. Nous avons vu des artistes confirmés ou encore méconnus qui parlent au monde avec une originalité puisée dans le meilleur de leurs traditions. Nous avons vu un tissu associatif plein d’abnégation qui n’ignore plus rien de ce qui touche à l’humain. Nous avons surtout vu une jeunesse avide de s’insérer dans le monde qui vient.

Des attentes déçues

Le monde qui vient ne sera pas celui d’hier. Le temps où un Omar Bongo pouvait dire sans être contredit : « L’Afrique sans la France est une voiture sans chauffeur. La France sans l’Afrique est une voiture sans carburant » est bien révolu. Nos dirigeants hexagonaux seraient bien inspirés de s’en rendre compte. Dans le monde qui vient, aucune place en Afrique n’est éternellement réservée à la France. Car oui, nous avons également vu des attentes déçues, du ressentiment, une certaine frustration à l’égard de l’ancienne puissance coloniale puis tutélaire que nous fûmes et dont beaucoup sur les bords de Seine gardent encore les réflexes. Si la France, à travers ses entreprises et son réseau scolaire, est présente partout, sa présence recule d’année en année au profit de nouveaux acteurs.

Nous avons vu, avec émotion, un président d’association membre du Réseau national de la jeunesse malienne faire respecter une minute de silence à la mémoire des soldats français venus « verser leur sang pour le Mali ». Le rôle stratégique de la France au Mali est reconnu. Elle doit continuer à y jouer son rôle afin d’endiguer la menace terroriste dans l’arc sahélo-saharien sans se dérober, aider à y assurer la stabilité et la paix. Toutefois, la sécurité de l’Afrique est avant tout l’affaire des Africains et nous ne serons pas de ceux qui n’ont d’approche de la sous-région qu’en termes de sécurité et d’immigration.

La jeunesse ouest-africaine nous a parlé de développement. Elle nous en a parlé en français. La francophonie est notre meilleur atout, à nous Français, Africains et Franco-Africains. Celle-ci doit être soutenue plus puissamment. C’est notre assurance-vie. Le développement, c’est d’abord l’éducation. L’enseignement du français à l’étranger souffre de ne pas avoir d’approche globale pour l’Afrique. Les Africains sont demandeurs. Nous ne nous donnons pas les moyens de répondre à la demande. Il n’est pas question de se substituer aux écoles publiques locales mais la question serait de pouvoir former les formateurs…

Un regain de prospérité

A ce jour, aucun programme. Aucune initiative. Quant au système éducatif français en Afrique, malgré sa réputation d’excellence, il souffre encore d’un coût trop élevé, d’une fermeture sur lui-même et de la non-prise en compte du fait que 80 % de son public sont composés de binationaux qui seront demain le pont sur lequel passeront les relations franco-africaines. Le développement, c’est bien évidemment l’économie et l’entreprise. L’Afrique a besoin d’infrastructures, d’accès à l’énergie, à l’eau potable partout. La France et l’Europe peuvent et doivent participer au financement de manière beaucoup plus massive à ce développement. Il faut d’ailleurs saluer le lancement du fonds de 600 millions d’euros, depuis Ouagadougou, mis en place par la Caisse des dépôts et consignations et l’Agence française de développement. Les fruits bénéficieront à tout le monde.

Le boom démographique africain dont les marchands de peur font leur fonds de commerce peut offrir au monde, demain, un regain de prospérité et réellement changer le monde. Ce n’est pas là le moindre des défis que la France aura à relever aux côtés des peuples africains. Nous en avons rencontré quelques acteurs principaux. D’autres existent, ils sont parmi les diasporas franco-africaines vivant sur les deux continents. Emmanuel Macron est prêt à sortir des ressentiments du passé, à tourner la page et à saisir la main tendue. Quant à nous, nous en serons les acteurs de demain, certains que le futur Bill Gates ou Mark Zuckerberg est déjà né quelque part entre Ouagadougou et Dakar.

M’jid Al-Guerrab est franco-marocain, militant associatif et politique pour En Marche ! Ancien du Parti socialiste français, il a été conseiller du président du Sénat, Jean-Pierre Bel (PS), et du secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, avant de rallier le mouvement d’Emmanuel Macron.