C’est un fait, le secteur des transports et de la mobilité est devenu l’un des terrains de jeux préférés de la nouvelle économie. Et ils sont légion, les chasseurs de trésor numérique en quête d’un futur Uber, Waze ou Blablacar pour le compte d’investisseurs ambitieux.

L’un de ces accélérateurs de jeunes pousses s’appelle Via ID. Cette filiale du groupe Mobivia, leader français des services automobiles (marques Norauto, Midas…), a pour mission de dénicher des sociétés high-tech prometteuses dans ce vaste secteur qui va de la voiture au transport ferroviaire. Via ID a déjà eu le nez creux en mettant le pied à l’étrier à Smoove (qui vient de rafler le marché des Vélib’ parisiens à JCDecaux), Drivy (numéro un français de la location de voitures entre particuliers) ou Heetch (le trublion du VTC nocturne).

Cette fois, Via ID a mis au jour une pépite de l’autre côté de l’Atlantique – une première à son tableau de chasse. La filiale de Mobivia a annoncé, mercredi 3 mai, avoir monté un tour de table prestigieux pour investir 2,5 millions d’euros dans Swiftly, une toute jeune entreprise qui met la puissance de ses algorithmes à disposition des opérateurs et autorités organisatrices de transport, afin d’améliorer la qualité, l’efficacité et la fiabilité du service.

Un fort taux d’exactitude

Créée il y a à peine trois ans à San Francisco, Swiftly fait honneur à son patronyme (qui signifie « rapidement », « avec agilité »). La start-up a déjà séduit 25 villes aux Etats-Unis, dont Chicago, Boston, Miami et Santa Clara, en Californie, au cœur de la Silicon Valley. Une dizaine de nouveaux projets sont en cours. Le profil de Swiftly a convaincu du beau monde de placer quelques billes en dehors de Via ID : Samsung, Ford et la RATP, qui ont investi eux aussi significativement.

Quels sont donc les charmes de cette jeune pousse pour attirer de la sorte de si gros poissons ? Swiftly propose des outils de modélisation et de gestion en temps réel des flottes de bus, trams ou métros. Ses outils d’information prédictive appliqués au transport public sont parmi les plus puissants et les plus efficaces du moment.

La force de Swiftly est comparable à celle de l’application Waze dans les outils de guidage pour automobilistes par rapport au GPS classique : une capacité à utiliser les innombrables données du système de transport pour un retour d’information décrit comme extrêmement fiable. « Le suivi en temps réel des véhicules ou des convois, l’estimation des heures d’arrivée sont très précis et facilitent par conséquent une optimisation du service et de la flotte », s’enthousiasme Yann Marteil, président exécutif de Via ID. A Boston, « Swiftly atteint un taux d’exactitude de 95 % dans ses prédictions contre 77 % dans les systèmes classiques embarqués. »

Expérimentation à Austin

C’est précisément ce qui a séduit RATP Dev, la filiale du groupe public qui fait fonctionner des réseaux de transports publics en dehors de la région parisienne, en France ou à l’étranger – et en particulier aux Etats-Unis. « Nous suivons Swiftly depuis 2015, explique Patrick Vautier, directeur du marketing et de l’innovation de RATP Dev. Ses dirigeants ont peu à peu affiné leur stratégie pour se focaliser sur le reporting [compte-rendu] en temps réel de l’activité du réseau. Les capacités de Swiftly laissent entrevoir un potentiel d’amélioration de la performance et de la régularité. C’est très prometteur pour nous, car ces critères correspondent à une exigence souvent contractuelle de nos clients. »

RATP Dev s’apprête à expérimenter un premier « pilote » sur les lignes de bus d’Austin, la capitale du Texas. Un test important car ce réseau de 250 véhicules et 79 lignes est l’un des plus importants des Etats-Unis. Et puis, à la mi-février, les fondateurs de Swiftly ont fait un discret voyage à Paris pour rencontrer la direction du groupe. La RATP est vivement intéressée par la flexibilité de déploiement de la solution. Des tests devraient, là aussi, être menés rapidement sur le fabuleux réseau parisien de 4 500 autobus et 22 lignes de tram et de métro. Un tremplin potentiel pour Swiftly.

Le management de Swiftly ne cache d’ailleurs pas son souhait de mettre rapidement un pied sur le Vieux Continent. « Via ID et RATP Dev vont nous permettre de mieux comprendre le marché européen », se félicite Jonathan Simkin, PDG-fondateur de la start-up et serial entrepreneur renommé de la côte Ouest des Etats-Unis.

Usage grand public

Quant à Ford et Samsung, les deux autres acteurs majeurs du tour de table, ils entrent au capital de Swiftly par le biais de filiales spécifiques. Ford Smart Mobility s’est spécialisée dans le développement de nouvelles solutions de mobilité, en phase avec la stratégie du cinquième constructeur automobile mondial, qui a été l’un des premiers à se présenter comme un « fournisseur de mobilité » et plus seulement comme un fabricant de voitures.

Samsung, qui investit par le biais de sa filiale californienne Samsung NEXT, voit quant à lui un potentiel d’usage grand public sur une vaste échelle. La technologie Swiftly, d’abord tournée vers les professionnels du transport public, pourra aussi être intégrée aux smartphones des voyageurs afin de faciliter encore davantage leur mobilité.