Un travailleur venu de la campagne, le 17 avril à Pékin. | Andy Wong / AP

En quelques jours, grâce à la viralité des réseaux sociaux, la biographie d’une nourrice venue de la campagne pour gagner sa vie à Pékin est devenue la sensation littéraire du moment en Chine. Fan Yusu, qui vient d’une famille pauvre de la province du Hubei, dans le centre du pays, a certes une grande passion pour la littérature depuis son enfance. Mais, faute d’argent, elle a arrêté l’école après avoir fini ses études au collège.

Publié initialement le 24 avril sur WeChat, son texte, intitulé « Je suis Fan Yusu » a été lu plus de 100 000 fois le jour même. Puis il a retenu l’attention des médias officiels, au premier rang desquels Le Quotidien du peuple, organe du Parti communiste, et même d’un talk-show de Hongkong. Avec toujours la même question : pourquoi ce texte d’une « mingong », ces Chinois venus des campagnes pour travailler dans les villes et souvent considérés comme des citoyens de seconde zone, a-t-il connu un tel succès ?

« Simple et naturel »

« Le charme de ses mots vient du charme de sa personnalité. C’est tellement simple et naturel, on ne ressent pratiquement pas les techniques d’écriture », a commenté sur WeChat « Huhu » (un pseudonyme). Fan Yusu donne à voir la vie de la Chine « d’en bas », qui doit se battre avec des salaires de misère, des loyers faramineux et sacrifie la vie de famille : obligée de laisser ses deux filles à la maison, Fan Yusu raconte avait pleuré plusieurs fois lorsqu’elle nourrissait la petite-fille de son employeuse pendant la nuit. Faute d’une résidence permanente à Pékin, ses filles ne pouvaient même pas entrer dans une école primaire publique.

Dans l’histoire de Fan Yusu, ce qui semble avoir ému le plus les lecteurs est le contraste entre la gravité d’une réalité brutale et l’optimisme et l’humour qu’elle transmet. « La vie ne doit pas consister simplement à se nourrir », écrit-elle.

A l’image de Vivian Maier, qui fut une nourrice américaine et une photographe amateur dont la production abondante a été découverte par hasard, Fan Yusu n’a jamais eu l’idée de devenir une écrivaine professionnelle. Membre d’un club littéraire près de chez elle, elle se considère comme une amatrice. « En tout cas, je suis travailleuse manuelle, je ne gagnerai pas ma vie comme écrivaine. Je ne sais même pas taper à l’ordinateur ! », a-t-elle expliqué au Journal de la jeunesse de Pékin le 25 avril.

Dépassée par son succès et l’afflux de demandes d’interviews, Fan Yusu a choisi de se mettre en retrait : « Ma phobie sociale est transformée en dépression majeure. J’ai trouvé un vieux temple dans une montagne en banlieue de Pékin pour me cacher et je ne vois plus personne », a-t-elle expliqué avant de se murer dans le silence.