C’est une nouvelle victoire du fisc italien contre les géants de la « tech ». Dans un communiqué publié jeudi 4 mai, l’administration transalpine a annoncé avoir conclu un accord soldant son contentieux avec Alphabet, la maison mère de Google, en contrepartie du versement par l’entreprise américaine de 306 millions d’euros à l’Etat italien.

Celui-ci reproche à Google de pratiquer l’évasion fiscale, en déclarant en Irlande des revenus générés sur son territoire, où se trouve son siège social européen – et où la fiscalité sur les entreprises est beaucoup plus attrayante (seulement 12,5 % d’imposition sur les bénéfices des sociétés contre 27,5 % en Italie). Outre le paiement de cette compensation, qui porte sur la période 2002-2015, « des accords préventifs sur la taxation correcte à l’avenir en Italie des activités [de Google] » vont être mis en place. Une disposition encore peu précise qui va faire l’objet de discussions entre le groupe californien et Rome.

Dans un communiqué, Google précise que cet accord a pour but d’« éviter un long contentieux », laissant entendre qu’il ne partage pas sur le fond l’analyse du fisc italien. Il rappelle, en outre, que ce versement s’ajoute à « l’impôt sur les sociétés déjà réglé en Italie durant cette période ». Les contradicteurs de Google réclament que la société américaine paye des impôts à la hauteur des revenus publicitaires qu’elle dégage dans chaque Etat européen, alors que ceux-ci sont actuellement imputés à sa filiale irlandaise, Google Ireland Limited.

« Le pays européen le plus actif »

Ces dernières années, l’Italie s’est plusieurs fois illustrée dans sa lutte contre la fiscalité des groupes de la « tech ». Fin 2015, Apple avait accepté de payer plus de 300 millions d’euros en Italie, après une enquête pour fraude fiscale. Et c’est désormais Amazon, soupçonné d’avoir dissimulé 130 millions d’euros de revenus en cinq ans à l’Italie, qui se trouve dans le collimateur du fisc italien.

C’est encore Rome qui a décidé de mettre la taxation « des nouveaux types de sociétés nées avec l’économie numérique » à l’ordre du jour des réunions du G7, qui doit se tenir du 11 au 13 mai, à Bari, dans les Pouilles. Dans un entretien à La Repubblica publié mercredi 3 mai, Rossella Orlandi, la directrice du fisc transalpin, se félicitait d’ailleurs que l’Italie « est le pays européen qui est le plus actif contre l’évasion fiscale des géants du Web »… et avertissait que son administration comptait également se pencher avec attention sur le cas d’Airbnb.

Coup de semonce

Cependant, les autres pays européens ne sont pas en reste. En janvier 2016, Google avait été astreint à payer 130 millions de livres sterling (172 millions d’euros) d’arriérés d’impôts au Royaume-Uni sur les dix années précédentes – une somme par ailleurs jugée dérisoire par une bonne partie de la classe politique britannique, y compris dans la majorité gouvernementale.

En France, le moteur de recherche est sous le coup d’un redressement fiscal et d’une enquête du Parquet national financier. Selon un chiffre que ne confirment ni Bercy ni Google, la France réclamerait quelque 1,6 milliard d’euros à Google France.

Mais le coup de semonce contre les géants du numérique le plus sévère avait été prononcé en août 2016 par la Commission européenne, qui avait exigé d’Apple le remboursement à Dublin de 13 milliards d’euros au titre d’avantages fiscaux illicites. Une décision contestée par l’Irlande elle-même, inquiète de voir son modèle fiscal si attrayant mis en cause.