Un micro-implant contraceptif, en 2004 à l’hôpital de la Conception, à Marseille. | ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

C’est une première victoire judiciaire en demi-teinte. Pour les trois femmes qui ont lancé une demande de procédure d’indemnisation car elles s’estiment victimes d’effets indésirables liés à l’utilisation du dispositif contraceptif Essure – fabriqué par le laboratoire Bayer HealthCare –, la bataille s’annonce longue.

Le juge des référés du TGI de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a écarté jeudi 5 mai la prescription des faits invoquée par le laboratoire Bayer au motif que les plaignantes ont formé leur recours plus de trois ans après avoir commencé à utiliser cette méthode contraceptive définitive et irréversible. Il a également missionné un expert médico-judiciaire, spécialisé en médecine interne, chargé de rendre son rapport avant le 20 février 2018.

Frais d’expertise à la charge des plaignantes

Il a, en revanche, rejeté la demande des plaignantes d’imputer les frais d’expertise au laboratoire, fixant à 3 000 euros pour chacune d’entre elles le montant de la provision à valoir sur ces frais. Ces sommes devront être consignées à la régie d’avances et de recettes du TGI avant le 31 juillet, faute de quoi les expertises – indispensables pour faire la preuve du préjudice de santé allégué – ne pourront être réalisées, et aucun procès n’aura lieu.

Me Charles Joseph-Oudin, avocat des trois femmes, a immédiatement annoncé son intention de faire appel. « La situation financière d’une de mes clientes ne lui permet pas d’avancer une telle somme, a-t-il expliqué au Monde. Cette décision la prive donc de facto d’un procès. Elle est contraire au principe d’accès au juge, et de nature à contraindre d’autres victimes dépourvues de moyens à renoncer à toute action judiciaire. Nous devons convaincre la justice de la nécessité impérieuse pour les victimes d’Essure d’être en capacité de se défendre, alors qu’elles se trouvent en situation d’inégalité financière face à Bayer. »

Dispositif médical de stérilisation définitive et irréversible, Essure, disponible depuis 2002 et remboursé par la Sécurité sociale depuis 2005, est soupçonné d’être à l’origine de nombreux effets indésirables neurologiques, musculaires, hémorragiques et allergiques. Il se présente sous la forme de mini-implants tubaires en nickel qui, introduits par les voies naturelles dans les trompes de Fallope, déclenchent une cicatrisation qui les obstruent. En cas d’échec ou de complications, leur retrait impose une ablation des trompes, voire de l’utérus.

Environ un million d’implants Essure ont été vendus dans le monde depuis 2011, dont 140 000 en France, selon Bayer HealthCare. Plus de 20 000 dispositifs sont implantés chaque année en France où, après l’âge de 40 ans, plus d’une femme sur dix recourt à la stérilisation définitive. Mais les signalements auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) d’effets secondaires liés à la pose d’Essure comme à sa composition (nickel) se sont multipliés. Selon l’ANSM, ils sont passés de 42 en 2012 à 242 en 2015, puis à 162 entre janvier et octobre 2016. Et 300 autres signalements ont été répertoriés entre début février et début avril.

Des milliers de plaignantes aux Etats-Unis

Placé sous surveillance renforcée en France depuis 2015, Essure fait l’objet d’une action de groupe rassemblant des milliers de plaignantes aux Etats-Unis, et l’Agence nationale de surveillance sanitaire (Anvisa) brésilienne a suspendu sa vente, sa distribution et son utilisation, le 20 février, car le distributeur national avait refusé de lui fournir des données concernant le dispositif.

Au nom du « principe de précaution », l’association française Résist (Réseau d’entraide soutien et information sur la stérilisation tubulaire) – qui compte 1 200 adhérentes dont les trois plaignantes – a demandé, en janvier, le retrait du dispositif du marché, sans être entendues par les autorités sanitaires françaises.

Fin avril, un comité d’experts indépendants nommé par l’ANSM et chargé d’établir le rapport bénéfice-risque d’Essure a jugé qu’il fallait améliorer l’information des patientes sur ce dispositif, mais qu’il n’était pas nécessaire de suspendre son utilisation. Prenant « acte » de cet avis, Bayer a alors déclaré « travailler avec les autorités pour mettre en place plus d’informations pour la patiente autour du dispositif et renforcer le contrôle médical à trois mois après la pose ».