« Je ne présenterai pas la démission. Je proposerai prochainement au président de la République de révoquer le ministre des finances », a déclaré devant la presse le premier ministre tchèque, Bohuslav Sobotka, le 5 mai 2017. | ONDREJ DEML / AP

Revirement à Prague où le torchon brûle entre le premier ministre social-démocrate, Bohuslav Sobotka, et le ministre des finances, Andrej Babis. Le premier ministre, a annoncé, vendredi 5 mai, qu’il n’envisageait plus de démissionner pour sortir de la crise qui l’oppose à son ministre, qui est aussi son principal rival politique.

« Je ne présenterai pas la démission. Je proposerai prochainement au président de la République de révoquer le ministre des finances », a déclaré devant la presse M. Sobotka. Il a expliqué son revirement par les divergences de vue avec le chef de l’Etat sur les modalités constitutionnelles de sa démarche.

  • Pourquoi M. Sobotka avait-il démissionné ?

M. Sobotka est à la tête d’une coalition de centre gauche formée en 2013 autour de sa formation, le Parti social-démocrate (CSSD). Celle-ci associe le mouvement contestataire « antisystème » ANO d’Andrej Babis, entrepreneur milliardaire à la tête de la deuxième fortune du pays, ainsi que les chrétiens-démocrates du KDU-CSL.

Le premier ministre a, dans un premier temps, demandé à M. Babis de s’expliquer sur des transactions financières douteuses. Il s’est interrogé sur la façon dont le ministre et chef du mouvement ANO a acquis les titres de dette de son groupe Agrofert, premier employeur privé de la République tchèque (chimie, agriculture, médias) pour 1,5 milliard de couronnes (environ 55 millions d’euros), sur l’origine de cet argent et sur des soupçons d’évasion fiscale accompagnant cette transaction.

Considérant que son ministre des finances n’a pas réussi à balayer les soupçons d’évasion fiscale pesant sur lui, M. Sobotka, qui veut former un nouveau cabinet sans lui, a annoncé, mardi 2 mai, qu’il démissionnerait avec l’ensemble du gouvernement pour contraindre le milliardaire à quitter son poste.

  • Pourquoi M. Sobotka a-t-il changé d’avis ?

Le président, Milos Zeman, a toutefois déclaré qu’il ne considérerait pas une démission d’ensemble du gouvernement, mais simplement celle du premier ministre. « Dans cette situation, ma démission n’a plus aucun sens, attendu que le ministre des finances, pourtant écrasé par des scandales considérables, resterait au gouvernement », a expliqué Bohuslav Sobotka.

Pour nombre d’experts, la démission d’un premier ministre entraîne automatiquement celle du gouvernement, aux termes de la Constitution tchèque, relativement vague sur ce point. « J’espère que le président va respecter les habitudes constitutionnelles », a insisté, vendredi, M. Sobotka.

M. Babis, qui réfute toute malversation, a estimé qu’en réclamant son limogeage, M. Sobotka ne respecte pas l’accord de coalition conclu avec son parti.

Le mouvement ANO est le favori d’élections prévues les 20 et 21 octobre, qui seront suivies d’un scrutin présidentiel, trois mois plus tard.