Jack Posobiec, l’homme qui a donné vendredi 5 mai toute leur visibilité aux documents piratés issus de membres de la campagne d’Emmanuel Macron, n’est pas un inconnu. Basé à Washington, il travaille pour le site militant The Rebel, résolument pro-Trump et pro-Marine Le Pen, et qui reprend régulièrement des fausses informations.

Vendredi soir, il a diffusé à ses 100 000 abonnés sur Twitter un lien vers la section politique de 4chan, un gigantesque forum d’images anonyme qui fait partie des répères des soutiens de Donald Trump et de l’extrême-droite américaine. Le message contenait des liens de téléchargement vers les fichiers des « MacronLeaks ». C’est Jack Posobiec qui a donné à ces documents une visibilité importante, en quelques heures, au sein de toutes la presse d’extrême-droite américaine, avant que d’autres organisations, dont WikiLeaks, ne diffusent à leur tour des liens vers les documents.

Politiquement, Jack Posobiec refuse l’étiquette de « l’alt-right », un mouvement de l’extrême droite américaine, et revendique celle de “Slavright” - un mouvement d’extrême-droite principalement basé en Europe de l’Est, anti-islam, raciste et suprémaciste blanc. Un peu plus tôt dans la journée du 5 mai, il publiait une photo de sa rencontre avec Milo Yinanopoulos, l’une des principales figures de « l’alt-right » américaine, connu pour ses multiples provocations racistes et sexistes.

Jack Posobiec appartient à cette sphère de l’extrême-droite militante très présente en ligne, au côté du polémiste britannique Milo Yiannopoulos, ancien éditorialiste chez Breitbart, ou encore du complotiste Paul Joseph Watson, membre du site russophile Prison Planet, très influent sur les réseaux sociaux.

Hostile à Emmanuel Macron

Jack Posobiec avait aussi, mercredi 3 mai, été l’un des premiers comptes « influents » à relayer les rumeurs d’évasion fiscale sur Emmanuel Macron, peu après la publication, sur 4chan, de deux documents dont l’authenticité n’a pas été prouvée. Emmanuel Macron a porté plainte le lendemain pour « faux et usage de faux » et une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris pour « fausse nouvelle en vue de détourner les suffrages ».

Après la plainte déposée par Emmanuel Macron, Jack Posobiec, se sentant visé, a diffusé une vidéo en direct dans laquelle il interpelle le candidat à l’élection présidentielle. « Macron, votre élection est dans trois jours, pourquoi est-ce que vous attaquez des journalistes au lieu de réfuter ces documents ? », dit-il dans cette vidéo cumulant plus de 24 000 spectateurs. Selon lui, Emmanuel Macron le « diffame » - alors même que celui-ci ne l’a jamais évoqué publiquement : « Votre affirmation que nous avons fabriqué de faux documents est diffamatoire, c’est une volonté de nous nuire, et de nuire à notre image ».

Samedi matin, après la diffusion des #MacronLeaks, il n’hésitait pas, sur son compte Twitter, à demander « solennellement à être entendu devant le Parlement français » à ce sujet.

A de multiples reprises ces dernières semaines, il avait publié des messages critiquant le candidat d’En Marche !, affirmant que les sondages le plaçant en tête du vote étaient « truqués » , ou d’autres encore affirmant que les médias français le « censuraient ». Il a également affirmé vendredi, à tort, que l’accès au forum 4chan était bloqué en France.

Jack Posbiec fait aussi partie des personnes ayant relayé le « pizzagate » - cette histoire montée de toutes pièces, basée sur des e-mails de l’équipe de campagne de Hillary Clinton sortis de leur contexte , qui affirmait que la candidate à la présidentielle américaine était à la tête d’un vaste réseau pédophile se réunissant dans une pizzeria de Washington.

De la « trumpophère » à la « fachosphère »

Les messages de Jack Posobiec ont attiré vendredi soir l’attention de plusieurs observateurs, au sein et à l’extérieur du mouvement « alt-right ». En milieu de soirée, c’est WikiLeaks qui a donné aux documents une visibilité internationale, en relayant sur son compte Twitter - le tout assorti de quelques curieuses formules de précaution - des liens vers les documents.

Une heure et demie après la première diffusion des documents sur Twitter, deux comptes influents de la « fachosphère » française ont à leur tour diffusé des liens vers les emails, comme le rapporte le « lab » de l’Atlantic council dans une longue analyse. Selon lui, environ 13 000 messages sur le sujet ont été publiés par une dizaine de comptes, vraisemblablement de manière semi-automatisée, dans un effort coordonné pour faire « monter » le mot-clef #MacronLeaks dans les tendances du réseau social, pour lui donner une visibilité maximale. Parallèlement, sur certaines plateformes où les sympathisants de Marine Le Pen se montrent très actifs, comme le très populaire forum 18-25 de jeuxvideo.com, on encourageait les internautes à amplifier la diffusion de l’information sur les réseaux, avec des consignes pour s’organiser efficacement.

En toute fin de soirée, juste avant que la loi n’impose aux représentants des candidats de commenter l’actualité et de faire de la propagande, plusieurs cadres du FN ont à leur tour diffusé des messages sur le « leak ». Notamment Florian Philippot, qui, vingt minutes avant minuit, évoquait un « naufrage démocratique » dans un message retweeté plus de 1 500 fois.