La « bulle » de Bruxelles a littéralement exulté, dimanche 7 mai, quand le score confortable d’Emmanuel Macron (65,5 % des voix, selon les premières estimations) s’est affiché sur les écrans, à 20 heures. C’était un peu « son candidat » : le leader d’en Marche !, désormais huitième président de la République française, est un pro-Europeen revendiqué, ni de gauche ni de droite, totalement compatible avec cet esprit de compromis qui anime en permanence les institutions européennes. Un jeune dirigeant de 39 ans, qui promet de réformer l’Europe sans la détruire, et éloigne pour au moins cinq ans le risque d’une extrême droite europhobe au pouvoir en France.

Pour les milliers d’experts, de lobbyistes et de fonctionnaires travaillant dans le quartier européen de Bruxelles, traumatisés par des années de crise (Grèce, euro, migrants, Brexit), Macron est le nouveau visage de l’espoir. Qu’ils soient Français, Belges, Allemands ou Grecs.

« C’est la chance de l’Europe, cet homme ! »

Une partie d’entre eux, pour certains « En marche ! » depuis déjà plusieurs mois, s’était donné rendez-vous dimanche soir au Wild Goose, un pub irlandais à 200 mètres à vol d’oiseau du siège de la Commission et du Conseil européen. « Ma joie est énorme » répète en boucle Pauline Tawil. Yeux rieurs, cheveux blonds au carré, elle précise être « en marche depuis six mois. Au debut on n’y croyait pas, on ne pensait pas qu’il avait une chance et maintenant ! ».

« J’espère que les chantres de l’austérité budgétaire en Europe vont l’entendre »

A 33 ans, cette jeune lobbyiste estime que « L’Europe ne va pas bien du tout, mais avec un score du Front national en dessous de ce qu’on craignait, j’espère que cela va créer une dynamique. Macron, c’est un homme qui veut réconcilier les gens. J’espère que les chantres de l’austérité budgétaire en Europe vont l’entendre, que les Allemands vont faire un pas vers le Sud de l’Europe. C’est la chance de l’Europe, cet homme ! »

Déjà croisé lors de la soirée du premier tour, Pieyre-Alexandre Anglade, le jeune référent d’En Marche ! Belgique, est submergé par les messages de félicitations et il est très courtisé. « Pour réformer l’Union, il faut réformer la France. Si le pays veut obtenir des avancées et peser dans le débat européen, il faut qu’elle se soigne », affirme cet assistant parlementaire de l’eurodéputé libéral tchèque Pavel Telicka. « Je suis arrivé à Bruxelles en 2010, en pleine crise grecque, Macron est notre premier événement positif depuis longtemps, depuis 2005 et le non au référendum français sur la Constitution », estime ce tout juste trentenaire.

Oriane Schoonbroodt est une collègue de M. Anglade au Parlement européen. Elle est Belge, mais elle trouve que l’élection de Macron « va apporter un nouveau souffle génial. J’ai le même âge que lui, on l’a vu au Canada avec Trudeau, au Luxembourg [avec Xavier Bettel], en Belgique [avec Charles Michel], on ne peut pas éviter qu’une nouvelle génération arrive au pouvoir ! » . Elle aussi veut croire à une « dynamique européenne » pour ce président « qui est libéral de gauche », estime-t-elle.

Une visite rapidement à Berlin

Les dirigeants européens, qui jusqu’au bout ont espéré une victoire d’Emmanuel Macron, mais aussi, redouté un « accident », se sont également réjouis de manière particulièrement démonstrative dimanche soir. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, a rapidement rendu publique une lettre adressée à son « cher ami ». Il y évoque l’histoire de la construction européenne « si étroitement liée à celle de la France que le débat public qui fut le vôtre sur la place de la France dans l’Europe a résonné bien au-delà du pays que vous avez la responsabilité de présider ».

M. Juncker a rompu avec la position habituelle de neutralité de la Commission

La Commission travaille à construire « une Europe meilleure », a aussi indiqué M. Juncker, une « Europe qui protège, qui défend nos concitoyens et leur donne les moyens d’agir ». Des mots qui résonnent avec une partie du programme du président français, qui avait dit souhaiter une « Europe qui protège » et a répété, dimanche soir, qu’elle devait être « plus proche des citoyens ». M. Juncker avait rompu avec la position habituelle de neutralité ordinaire de la Commission en félicitant le leader d’En Marche ! au soir du premier tour.

Le Polonais Donald Tusk, président du Conseil européen, a tweeté de son côté : « Félicitations au peuple français d’avoir choisi la liberté, l’égalité et la fraternité contre la tyrannie des fake news ». Steffen Seibert, le porte-parole de la chancelière Angela Merkel a aussi « félicité » Emmanuel Macron sur le réseau social : « Votre victoire est une victoire pour une Europe forte et unie et pour l’amitié franco-allemande », peu avant que l’entourage du nouveau président français fasse savoir, après une discussion téléphonique « chaleureuse » avec Mme Merkel, que M. Macron ferait « rapidement une visite à Berlin ».

Premier vrai rendez-vous européen fin mai

Les dirigeants européens attendent leur premier vrai rendez-vous avec le président élu lors de la réunion du G7 à Taormine, en Sicile, à la fin mai. « Sur la photo, le jeune président pro-européen, avec Merkel et Trump, ce sera un peu le symbole du retour de la vieille Europe », glisse un diplomate.

M. Macron sera t-il rapidement convié à Bruxelles ? M. Juncker a évoqué son souhait de le rencontrer « rapidement ». Mais « laissons le tranquille, il a suffisamment de travail », glissait cependant une source à la Commission.

« Après l’Autriche, les Pays-Bas et la France, c’est 3 pour l’Europe, 0 pour les populistes »

Les Européens espèrent qu’avec la victoire de M. Macron, qui a redit dès dimanche soir son fort attachement à l’Europe, un cercle vertueux va s’enclencher. « Après l’Autriche, les Pays-Bas et la France, c’est 3 pour l’Europe, 0 pour les populistes », répétait-on à Bruxelles, dimanche soir, en reprenant ce qui est en passe de devenir un slogan à Bruxelles.

Beaucoup de responsables se projettent déjà dans l’après. Ils espèrent que la France de Macron va revenir au centre du jeu européen, alors que durant le mandat de François Hollande, elle s’est effacée, laissant l’Allemagne prendre toute la place et rendant quasiment inopérant le « couple franco-allemand », sans lequel l’UE fait du surplace.