En 2015, des militants de la société civile s’étaient indignés, photos à l’appui, de l’état d’insalubrité de l’hôpital Habib-Bourguiba de Sfax, dans l’est de la Tunisie. « Il faut absolument dénoncer cette catastrophe. Même les professionnels de la santé sont en danger. Des patients en souffrance sont obligés de s’asseoir à même le sol en attendant d’être pris en charge, et cela peut durer des heures », déclarait alors Mohamed Ben Beya, auteur des clichés et secrétaire général de l’Association des droits pour une nation indivisible et solidaire (Adonis), au site d’information tunisien Kapitalis.

Le centre universitaire hospitalier (CHU) Habib-Bourguiba, symbole du délabrement du système de santé tunisien ? Au pouvoir de 1956 à 1987, le président éponyme et « père de la nation » avait fait de ce domaine, au même titre que l’éducation, une priorité. Avec un certain succès : en soixante ans, le taux de mortalité infantile a chuté de 150 à 16,6 pour 1 000 habitants, tandis que le taux de vaccination de la population a grimpé jusqu’à 90 %.

Ces acquis semblent aujourd’hui fragilisés, l’hôpital public n’ayant pas su s’adapter aux nouvelles donnes épidémiologique (maladies cardiovasculaires, cancers...) et économique (libéralisation de la santé). D’un hôpital sous-équipé du Kef, dans le nord-ouest du pays, jusqu’à la polyclinique hypermoderne des Jasmins, au cœur de Tunis, notre correspondant est allé prendre le pouls d’un système à deux vitesses, aujourd’hui incapable de satisfaire les patients les plus pauvres comme les praticiens les plus compétents, qui sont nombreux à choisir l’exil.