Les électeurs sud-coréens élisent leur douzième président mardi 9 mai. Selon la Constitution de 1988 ayant donné naissance à la VIe République, le président choisi au terme du scrutin à un tour ne peut exercer qu’un mandat de cinq ans. Cette année, 15 candidats se présentent. D’après la commission électorale, 42,4 millions de personnes sont inscrites sur les listes électorales, soit environ 82 % de la population.

Cette année, le taux de participation est attendu en hausse. A 75,8 % lors de la présidentielle de 2012, il pourrait atteindre les 85 %, estime la commission.

  • Pourquoi cette élection anticipée ?

Le scrutin présidentiel devait avoir lieu en décembre. Il a été avancé en raison du « Choigate ». Du nom de Choi Soon-sil, femme d’affaires, intrigante et amie de la présidente Park Geun-hye, ce scandale de corruption et d’abus de pouvoir, qui a éclaté en octobre 2016, a mis en évidence les liens entre le pouvoir et les chaebols (conglomérats locaux). Il a causé la destitution, le 10 mars, de Mme Park. Selon la Constitution, il fallait dès lors organiser une élection dans les soixante jours.

  • Qui sont les favoris ?

Candidat du Parti démocrate, formation de centre-gauche et premier parti d’opposition, Moon Jae-in, 64 ans, est un ancien avocat défenseur des droits de l’homme. Militant depuis le lycée, il a connu plusieurs séjours en prison et a effectué son service militaire dans les forces spéciales. Il est crédité d’environ 40 % des intentions de vote.

Très proche du président progressiste Roh Moo-hyun (2003-2008), il s’est lancé tardivement en politique. Elu pour la première fois député en 2012, il fut le rival malheureux de Park Geun-hye lors du scrutin présidentiel organisé la même année.

Le candidat du Parti du peuple Ahn Cheol-soo, le 8 mai 2017. | Ahn Young-joon / AP

Représentant du Parti du peuple, une formation qu’il a créée après avoir fait défection du Parti démocrate, Ahn Cheol-soo, 55 ans et crédité de 21 % d’intentions de vote, se présente comme une sorte d’Emmanuel Macron coréen. Issu d’une famille aisée, médecin de formation, il a fait fortune en créant une société d’édition de logiciels.

Le candidat du Parti de la liberté Hong Joon-pyo, le 8 mai 2017. | KIM HONG-JI / REUTERS

Le conservateur Hong Jun-pyo, du Parti de la liberté en Corée, est un ancien procureur. Issu d’un milieu modeste du Gyeongsang du Sud (sud du pays), il a fait carrière dans la magistrature en luttant contre le jeu et le crime organisé. Ses méthodes et son style ont même inspiré une série télévisée. Ancien dirigeant du parti conservateur, il est connu pour son franc-parler. Les sondages lui donnent 18 % d’intentions de vote.

  • Quels programmes ?

ÉCONOMIE

Pour relancer l’économie, Moon Jae-in promet de créer 810 000 emplois dans le secteur public et les services sociaux. Il veut favoriser la création de 500 000 postes dans le privé en mettant en place un « écosystème économique innovant », souhaite porter le salaire minimum à 10 000 wons (8 euros) de l’heure, contre 6 660 aujourd’hui, et veut encourager l’emploi des jeunes. Il souhaite également réformer les législations favorisant trop les chaebols et lutter contre les pratiques discriminatoires envers les femmes. A 2,7 % en glissement annuel, la croissance au premier trimestre a certes dépassé les attentes mais elle continue d’inquiéter en raison de sa trop grande dépendance aux chaebols, de l’endettement massif des ménages sur fond d’augmentation persistante des prix de l’immobilier, de la grande précarité d’un grand nombre de travailleurs et de retraités, et du chômage des jeunes – à 11,3 % en mars contre 3,1 % pour l’ensemble de la population.

Ahn Cheol-soo veut également réformer les chaebols et a annoncé d’importantes dépenses pour améliorer l’activité. Il souhaite notamment investir 19 000 milliards de wons (15,2 milliards d’euros) pour former 100 000 nouveaux dirigeants d’entreprises, essentiellement dans le secteur des nouvelles technologies.

Hong Jun-pyo veut porter la croissance à 3 % par an, a promis la création d’1,1 million d’emplois, dont 50 000 dans des PME technologiquement compétitives et innovantes. Il veut également réduire les inégalités de traitement entre salariés à temps plein et ceux en situation précaire. Il est le seul à ne pas envisager de mesures concernant les chaebols.

ÉDUCATION

Si les questions sociales, comme les droits des personnes LGBT, ont été peu abordées, l’éducation, au cœur de nombreux débats en raison de son coût et de la faible natalité, a été évoquée. Moon Jae-in veut en réduire les coûts pour les familles, développer le recours aux congés parentaux et assouplir les horaires de travail pour les parents d’enfants en bas âge. Ahn Cheol-soo souhaite réformer l’organisation des études primaires et secondaires. Hong Jun-pyo, qui considère que la place de la femme est à la maison, souhaite toutefois doubler l’allocation versée aux femmes en congé maternité.

RELATIONS INTERNATIONALES

Sur le plan diplomatique et la question nord-coréenne – sujets majeurs –, tout en appuyant l’alliance américano-sud-coréenne et le renforcement des moyens de défense face à Pyongyang, Moon Jae-in prône une reprise en main de sa diplomatie par la Corée du Sud et souligne la nécessité de discuter avec le Nord.

Plus ferme, Ahn Cheol-soo veut porter les dépenses de défense à 3 % du PIB d’ici à la fin de son mandat, contre 2,6 % aujourd’hui, et appelle à la création d’un Centre de réponse à la Corée du Nord au sein du Conseil de sécurité nationale. Il souhaite également la relance de cadres de négociations comme les pourparlers à six (Chine, Corées, Etats-Unis, Russie et Japon) sur le nucléaire nord-coréen.

Fidèle à ses convictions très hostiles à la Corée du Nord, Hong Jun-pyo veut maintenir la politique de fermeté suivie par les présidents Lee Myung-bak (2008-2013) et Park Geun-hye (2013-2017). Favorable au renforcement de la coopération militaire avec les Etats-Unis, il veut développer les capacités de défense de la Corée du Sud. Il refuse le dialogue et a qualifié Moon Jae-in de « gauchiste pro-Corée du Nord » lors d’un débat télévisé.