Lundi 8 mai, Christian Estrosi a annoncé sa démission de la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), officiellement avec pour « seule ambition » de « servir [sa] ville » et d’en redevenir le maire. | STÉPHANE MAHÉ / REUTERS

Hier sarkozyste convaincu, incarnant la droite « pure » et dure avec la sécurité pour principal cheval de bataille et un discours anti-immigration, Christian Estrosi est-il en train d’opérer une mue en chantre de la droite modérée, compatible avec Emmanuel Macron, le nouveau président de la République ? Lundi 8 mai, l’intéressé a annoncé sa démission de la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). A l’en croire, il est conduit, officiellement, par la « seule ambition » de « servir [sa] ville » et d’en redevenir le maire.

Officieusement, son entourage a cependant affirmé qu’il avait refusé plusieurs postes au gouvernement. Ce qu’il a démenti, de même que la direction du mouvement de M. Macron, La République en marche (LRM). Force est de constater que, depuis quelques mois, Christian Estrosi a pris petit à petit ses distances avec son parti, Les Républicains.

Jusqu’a la fin de 2016, il s’est surtout fait entendre par ses critiques répétées du gouvernement et ses prises de position sur la sécurité et l’immigration. La plus grande polémique survient après l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, qui a fait 86 morts sur la promenade des Anglais. Alors premier adjoint à la sécurité de la ville et non plus maire – il avait démissionné à la suite de son élection à la tête de la région PACA pour se conformer à la loi sur le cumul des mandats –, M. Estrosi a immédiatement critiqué le dispositif mis en place pour assurer la sécurité des festivités, accusant le ministère de l’intérieur de ne pas lui avoir fourni les forces de l’ordre promises.

Quelques mois plus tard, l’IGPN (Inspection générale de la police nationale, la police des polices) estimait, dans un rapport, que le dispositif de sécurité n’avait pas été sous-dimensionné, mettant fin à la polémique.

Davantage de vigiles et de caméras dans la ville

Lors de la rentrée scolaire 2016, l’ancien maire de Nice s’attaque de nouveau à l’Etat, l’accusant de ne pas renforcer suffisamment la sécurité des écoles face au risque d’attentats. Dans la foulée, il annonce davantage de vigiles et de caméras dans la ville, déjà championne de France en matière de vidéosurveillance, ainsi que l’équipement, pour les gardiens et les directeurs d’école, de boutons d’alerte, utilisés par exemple dans les pays à forte criminalité, comme l’Afrique du Sud, et qui permettent de faire intervenir rapidement les forces de l’ordre.

Quinze jours plus tard, c’est sur la question des migrants que M. Estrosi donne de la voix : il affirme sa « totale opposition » au projet du gouvernement de créer des places pour les migrants dans les régions, qui reviendrait, selon lui, « à créer des micros “jungles” de Calais ». Dans une lettre à Manuel Valls, alors premier ministre, il s’inquiète : « On a le sentiment qu’une fois de plus, on abandonne nos élus locaux et nos maires en particulier, les laissant seuls face à cette pression migratoire. »

La primaire de la droite et du centre, qui s’est tenue à la fin de novembre 2016, afin de désigner un candidat pour l’élection présidentielle, a constitué un moment-clé dans l’évolution du positionnement de Christian Estrosi. Ce scrutin, qui a désigné, à la surprise générale, François Fillon, largement devant Alain Juppé, a représenté un camouflet pour les sarkozystes. L’ancien maire de Nice avait d’ailleurs décidé de ne soutenir aucun des deux candidats au second tour.

« Le mot “social” n’est pas une grossièreté »

Très vite, M. Estrosi marque son opposition à M. Fillon. En janvier, la rentrée politique du candidat de la droite sur ses terres, alors qu’il n’aurait pas été prévenu, est mal passée. Lors de ce meeting à Nice, il a modéré son discours sécuritaire et lancé à François Fillon, au programme jugé austère : « Je veux insister sur le fait que le mot “social” n’est pas une grossièreté. En laisser le monopole à d’autres serait courir à notre perte. » Un mois plus tard, le président de la région PACA s’affranchit encore un petit peu davantage de sa famille politique. Dans son livre, Il faut tout changer ! (Albin Michel), il assure qu’« il est temps qu’il n’y ait plus ni fillonistes, ni sarkozystes, ni juppéistes ».

La rupture avec François Fillon est consommée deux mois après, lorsque l’ancien maire de Nice rencontre Emmanuel Macron, suscitant des interrogations au sein de son propre camp. A la mi-avril, il est même sifflé par le public lors du dernier meeting de M. Fillon à Nice.

Trois semaines plus tard, à peine Emmanuel Macron élu, il est le premier responsable de la droite à lui apporter son franc soutien : « Je me félicite de cette victoire nette et indiscutable qui est celle de toutes les forces démocratiques. (…) Je tiens également à féliciter le nouveau président dont je souhaite la réussite pour la France. ». Au passage, il tacle Les Républicains :

« Je me réjouis d’autant plus de cette large mobilisation des électeurs de la droite et du centre que certains dirigeants de ma famille politique ont adopté, dans cet entre-deux-tours, une position ambiguë contraire à la tradition gaulliste, chiraquienne et sarkozyste de notre famille politique. »

Même s’il s’était déjà appliqué à estomper son image de champion de la sécurité lors du second tour des régionales, en décembre 2015, afin de séduire un électorat plus large et l’emporter face à la députée Front national du Vaucluse, Marion Maréchal-Le Pen, qui avait monopolisé le thème, Christian Estrosi semble désormais prêt à s’affranchir de cette ligne. Selon plusieurs sources, il fait le pari que la droite va se scinder en deux et compte tenir un rôle important au sein de l’aile qui pourrait, après les législatives, être appelée à travailler avec le nouveau gouvernement. Une manière de rompre une bonne fois avec la partie la plus à droite de son camp.