La campagne électorale touche à sa fin. Jeudi 11 mai, les 520 membres de l’assemblée générale du Comité national olympique sportif français (CNOSF) départagent trois candidats pour se choisir un nouveau patron : le sortant, Denis Masseglia, 69 ans ; David Douillet, 48 ans, double champion olympique de judo, député (LR) des Yvelines et ancien ministre des sports ; et Isabelle Lamour, 52 ans, qui a participé à deux olympiades et entame son deuxième mandat à la tête de la Fédération française d’escrime.

Trois candidats pour un mastodonte. Fort de 106 membres, représentant plus de 17 millions de licenciés, 175 000 associations, 2 millions de bénévoles, le mouvement sportif est un acteur économique qui pèse 35 milliards d’euros annuels… Le Monde a rencontré les 3 candidats entre le 4 et le 8 mai.

  • Denis Masseglia, la continuité

Denis Masseglia a un temps pensé prolonger son contrat d’un an, jusqu’à ses 70 ans, âge limite de candidature. Mais les statuts du comité ne l’y autorisaient pas, alors il se représente une dernière fois. Impliqué dès 2012 dans la candidature de Paris 2024, dont l’attribution sera connue le 13 septembre, Denis Masseglia trouve « logique de poursuivre l’histoire ». Même si, d’emblée, il affirme que « personne n’est irremplaçable », d’autres sous-entendent que, sans lui, les jeux à Paris sont mal partis.

Les statuts, Denis Masseglia les a modifiés aussi pour que l’assemblée du CNOSF soit élue après son président, et non avant, afin d’asseoir sa légitimité face aux défis de demain : licenciés égarés hors clubs, rayonnement international, résultats du haut niveau, sédentarité des jeunes. Avec comme levier essentiel, la transversalité du sport (santé, éducation, économie). Celle-ci doit contribuer à remodeler le modèle obsolète du sport français, qui date des années 1960.

Pour y parvenir, « l’Etat, les collectivités territoriales, le mouvement sportif et le monde économique doivent se mettre autour de la table et trouver eux-mêmes le bon modèle ». Cela fait huit ans que M. Masseglia essaye de lancer cette réforme sans y parvenir, « par manque de volonté politique. Il faut une prise de conscience. J’ai fait de nombreuses propositions et rien ne s’est passé. Alors j’essaie autrement ». C’est-à-dire sans donner de directive, histoire de prouver qu’il n’est pas autocratique. « Je dis juste qu’il n’est pas possible de diriger à 45. » Mais à un moment, il faut décider, comme lorsqu’il a choisi d’ouvrir le village France aux Jeux de Rio à l’été 2016. Un vrai changement de culture, avec 120 000 visiteurs accueillis contre 300 auparavant.

  • David Douillet, le poids politique

Pourquoi David Douillet, plus jeune candidat, n’a-t-il pas attendu quatre ans pour prendre tranquillement la succession de Denis Masseglia, dont il est si proche ? « Je ne veux pas me réveiller dans dix ans et constater que mes gamins [il en a 5] n’auront pas la même chance que nous quant à la possibilité de faire une discipline sportive dans de bonnes conditions. » En cause, selon lui, l’Etat, défaillant depuis dix ans, qui doit se réengager à travers une grande loi sur le sport. Pourtant, les solutions sont simples : « Il suffit d’imposer de nouvelles recettes telles que 1 % prélevé sur les constructions [comme dans la culture]. Et avec ça, au CNOSF, on se débrouille ! On n’en peut plus de se faire écraser à coup de réajustements et de coupes budgétaires. »

« Denis, ça fait huit ans qu’il est à la tête du CNOSF et qu’il ne l’a pas fait, enchaîne M. Douillet Je sais qu’on pense la même chose. On en a tellement parlé… Bercy coupe dans les ministères faibles, et le milieu sportif se rend faible, il ne fait pas suffisamment bloc, il ne fait pas assez de lobbying. » C’est pour cela qu’il a changé d’idée. D’abord convaincu qu’il devait abandonner son mandat de député s’il était élu au CNOSF, il a compris que sa voix à l’Assemblée nationale pouvait lui permettre de porter ses projets. Comme celui d’améliorer la loi Buffet, qui impose que 5 % des droits télés soient prélevés pour les sports moins riches. Alors quand on le taxe de vouloir faire disparaître les petites fédérations moins rentables… « Bien au contraire ! Je veux à travers cette refonte du CNOSF qu’il soit protecteur justement des plus faibles. C’est une aberration. »

Pourquoi alors conserver cette étiquette LR, qui peut brouiller le message ? « Je ne suis pas une girouette. Je vais aller jusqu’au bout. Pour être respecté il faut être respectable. Après je considérerai que j’ai fait ce que j’ai dû. » La politique lui a beaucoup appris. « Je connais les rapports de force, les leviers qu’il faut activer. On [les sportifs] n’a pas de fumier ni de tracteurs pour bloquer les routes comme les agriculteurs, mais on n’a bien d’autres choses. Je les garde dans ma sacoche. »

Trois jours après son élection, le président du CNOSF devra accueillir la délégation du CIO, du 14 au 16 mai. Une commission qui a déjà visité Los Angeles, seule rivale de la capitale française. « Aucun problème, affirme David Douillet. Je l’ai fait à titre personnel pour candidater en 2012. Je connais la musique. Isabelle [Lamour] aussi est olympienne, connue et reconnue dans l’olympisme. »

  • Isabelle Lamour, présidente de fédération incandescente

Isabelle Lamour, épouse de Jean-François Lamour (ex-ministre des sports, député LR à Paris 13), a officialisé sa candidature le 27 février. Seule femme présidente d’une fédération française d’un sport olympique, l’escrime, elle a pris la tête de cette fédération après la débâcle des Jeux de Londres de 2012 (aucune médaille, une première depuis Rome en 1960) et l’a remontée pour Rio (3 médailles dont un titre). « En mars 2013, il y avait une crise de confiance. A Londres ils n’étaient pas devenus mauvais du jour au lendemain. » Résultat, le 8 octobre 2016, elle était réélue avec 94 % des voix.

Isabelle Lamour veut transposer à l’échelon national ce qu’elle a réalisé à l’échelle de sa fédération. Et ainsi réveiller « la Belle Endormie », surnom qu’elle donne au CNOSF. Pour réussir, le comité doit rétablir des relations apaisées avec l’Etat et obtenir « un ministère de plein exercice pour assurer la transversalité avec l’aménagement du territoire, l’agriculture, l’éducation, l’écologie ».

Mme Lamour marque sa différence ailleurs. En premier lieu sur Paris 2024, qui « ne doit pas être un élément de campagne. Le “moi mieux placé que toi” ne doit pas être un sujet. » Elle vient toutefois de recevoir le soutien officiel de Guy Drut, conseiller des coprésidents de la candidature parisienne. « Je n’imagine pas ne pas avoir les Jeux ! Il y aura un grand enthousiasme. Il va y avoir le feu ! »

Avant 2024, il y a 2020. Si elle est élue, Isabelle Lamour insiste sur le futur village France de Tokyo, qu’elle souhaite radicalement différent de celui de Rio. « Je proposerai un format différent (…). Parce qu’on est loin de notre base. La perception que les athlètes, les entraîneurs, la délégation ont pu avoir… Il y avait des moments pas très agréables. » Le CNOSF et ses 70 salariés devraient en revanche jouer l’ouverture à plein, « presque comme un club France à Paris. On ne va pas faire la java tous les jours, mais un lieu ouvert ». Seule une décision est irrévocable, « que je sois élue ou pas, je me remettrai au sport ! »

Top 10 des fédérations sportives en nombre de licenciés

La voile fait son entrée dans le Top 10 des fédérations sportives françaises. Ici, une étape du Tour de France à la voile de 2015 à Dunkerque. | FRANCOIS LO PRESTI / AFP

  1. La Fédération française de football, sport olympique, caracole en tête avec 2 135 193 licenciés en 2015, selon les derniers chiffres fournis par le ministère des sports, contre 2 018 003 en 2014, soit une hausse de 5,8 %. C’est aussi le sport le plus masculin, avec seulement 4,5 % de filles.
  2. Deuxième mais avec quasiment deux fois moins de licenciés, la Fédération de tennis (FFT) connaît, elle, un désamour, avec 1 052 127 membres en 2015 et 1 085 399 en 2014, soit − 3,1 %. La FFT dépasse le million de licenciés depuis plusieurs années.
  3. La Fédération française d’équitation, 3e avec 673 026 pratiquants enregistrés, s’éloigne de plus en plus des 706 449 licenciés de 2012. C’est par ailleurs le sport le plus féminisé, à 80 %.
  4. Le judo-jujitsu et disciplines associées se hisse à la 4e place avec 552 815 licenciés, malgré une baisse de 3,2 % entre 2015 et 2014.
  5. Le basket-ball, en revanche, progresse de 3,9 % en 2015 à 600 151 licenciés.
  6. Quasi stable en 6e position, le handball annonce 513 194 licenciés en 2015. L’effet « Experts » s’émousse après avoir gagné 265 000 adhérents entre 2006 et 2014.
  7. Septième encore (mais pour combien de temps ?), le rugby, avec 434 520 encartés (dont 110 949 ATP, soit le deuxième chiffre le plus important pour cette catégorie) connaît une désaffection de − 3,9 % en un an.
  8. Le golf, 8e, reste lui quasi stable (− 0,2 %) à 407 569 licenciés.
  9. Le canoë-kayak, avec 383 627 licenciés, connaît une forte progression à +5,3 % sur un an. Avec 93 921 nouveaux licenciés, cette fédération est celle qui connaît la plus forte progression annuelle (+200 %).
  10. Encore au-dessus des 300 000 licenciés, la Fédération française de voile (301 762) est en progression de 3,9 %, ce qui lui permet de figurer dans le Top 10 de justesse, devant une autre discipline aquatique comme la natation (300 926). Aucune fédération non olympique ne figure dans ce classement.

Source : recensement réalisé en 2015 par la Mission des études, de l’observation et des statistiques, auprès des fédérations sportives agréées par le ministère des sports.