Le président ukrainien Petro Porochenko, lors d’une conférence de presse à Kiev, en juin 2015. | SERGEI SUPINSKY / AFP

Peu au fait des arcanes institutionnels bruxellois, les Ukrainiens commençaient à s’impatienter : l’introduction très attendue et plusieurs fois reportée d’un régime sans visa pour leurs séjours dans l’espace Schengen est enfin entérinée, après son adoption par le Conseil de l’Union européenne, jeudi 11 mai. Reste au Conseil et au Parlement à signer la mesure, mais cette étape très formelle devrait être franchie rapidement, probablement dans moins d’une semaine, rendant alors possible une entrée en vigueur dans les vingt jours suivants.

Autrement dit, à partir du mois de juin, les 45 millions d’Ukrainiens pourront se rendre sans visa dans l’espace Schengen, pour un séjour d’une durée de quatre-vingt-dix jours sur toute période de cent quatre-vingts jours, sans droit de travailler ou de résider dans les pays de la zone. L’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse sont également concernés, mais pas la Grande-Bretagne et l’Irlande.

Dès décembre 2015, la Commission européenne avait constaté que l’Ukraine remplissait tous les critères requis. Parmi les conditions fixées par Bruxelles, le Parlement ukrainien avait notamment dû adopter une législation contre les discriminations au travail liées à l’orientation sexuelle. Début avril 2017, le Parlement européen avait voté la mesure par 521 votes pour, 75 contre et 36 abstentions.

Négociations sur des mesures d’exemption

Mais entre-temps, la validation par les différents Etats représentés au Conseil a traîné, principalement, selon une source bruxelloise, pour des « motifs politiques ». Selon cette source, Paris et Berlin ont particulièrement traîné des pieds, craignant la réaction de leurs opinions publiques alors que les débats sur l’immigration sont déjà houleux en France et en Allemagne.

L’introduction de garanties a dès lors fait l’objet de longues négociations. Des « mesures d’exemption » permettent ainsi la réintroduction rapide des visas dans les cas exceptionnels, en cas de forte pression migratoire ou de hausse sensible du nombre de ressortissants restant dans l’UE après l’expiration de la durée autorisée de leur séjour sans visa.

Fin mars une exemption de visa similaire était entrée en vigueur pour la Géorgie, avec les mêmes garanties. Le Kosovo et la Turquie espèrent aussi obtenir des dispenses pour leurs ressortissants.

Côté ukrainien, l’aboutissement de ce dossier est perçu comme une victoire politique majeure. Face à des partenaires européens réticents à évoquer de quelconques perspectives d’adhésion à l’Union, Kiev avait fait de la question des visas l’objectif principal de sa diplomatie européenne, après la signature de l’accord d’association en 2014. La mesure était aussi très attendue par la population ukrainienne, à la fois comme un signe d’amitié des Européens et pour les facilités de voyage et de tourisme qu’elle implique.

Jeudi, le président Petro Porochenko a annoncé qu’il se rendrait le 17 mai à Strasbourg pour la signature solennelle du document. « Ce sera sans doute l’un de mes voyages les plus importants des trois premières années de ma présidence », a-t-il commenté.