Documentaire sur France 3 à 23 h 45

[TEASER] La bataille du charbon

Si seulement, on avait du charbon », entendait-on au lendemain de la ­seconde guerre mondiale dans une France quasi détruite. Partout, cette matière première manquait pour reconstruire le pays. Réquisitionnées par les ­nazis pour contribuer à l’effort de guerre allemand, les mines avaient continué à fonctionner avec la bienveillance de leurs dirigeants, qui fermaient les yeux sur la destination de la production. Seuls les mineurs alliés à la Résistance avaient freiné leurs efforts et même saboté les installations. Or, à la Libération, sans avoir été inquiétés, les mêmes patrons collaborateurs se retrouvaient aux commandes des mines. Une ­situation qui n’incita pas les ­mineurs à faire du zèle pour ­relancer les sites et l’économie.

Afin de les mobiliser, le général de Gaulle s’appuya alors sur les ministres communistes entrés au gouvernement pour lancer la ­bataille du charbon. L’objectif étant que les 300 000 mineurs ­répartis dans les grands bassins du Nord et du Sud produisent 100 000 tonnes de charbon chaque jour. Les « soldats de l’abîme », qui n’avaient exigé aucune ­contrepartie, devinrent alors des héros, l’avant-garde du prolétariat. Ils ­furent montrés en exemple.

L’un des héroïques « soldats de l’abîme » | France 3/Morgane

En juillet 1945, Maurice Thorez, ­secrétaire général du Parti communiste français, lui-même fils et petit-fils de ­mineur, vint les haranguer sur les carreaux de mine. « Produire, c’est aujourd’hui la forme la plus élevée du devoir de classe, du devoir des Français », lança-t-il sous les acclamations. La ­bataille du charbon était lancée. Elle se termina dans le sang.

C’est cette tragique histoire que raconte le réalisateur Frédéric Brunnquell dans son passionnant documentaire (prix Terre(s) d’histoire au Festival international du grand reportage d’actualité 2016), illustré d’archives rares et de témoignages de mineurs ayant participé à cette bataille. La voix encore brisée par l’émotion, ils se rappellent qu’au péril de leur vie ils ont atteint les objectifs en travaillant plus de cinquante heures par semaine, en renonçant à leurs congés payés. Ils détaillent le « statut du mineur » octroyé par le gouvernement, qui leur permettait de bénéficier d’un revenu fixe, d’un logement à vie, d’une sécurité sociale particulière, du doublement des congés payés et des colonies de vacances pour leurs enfants. « 1936 et 1947 furent nos deux plus belles années », ­affirme l’un d’entre eux.

Image d’archive extraite de « La Bataille du charbon » | Morgane/ France 3

Mais, en 1948, les gueules noires déchantent. Face à la concurrence des autres marchés européens, le socialiste Robert Lacoste décide de leur retirer certains avantages, dont le salaire minimum. Une trahison qui met le feu aux poudres. La grève est immédiate. Elle dure cinquante-quatre jours et est ­réprimée dans le sang par Jules Moch, le ministre de l’intérieur socialiste. Chars et blindés envahissent les carreaux de mine. On dénombre six morts ; 1 342 mineurs sont condamnés à de la prison ferme ; 3 000 sont licenciés. Episode tragique de l’après-guerre, « ce rouge sur les gueules noires, explique le réalisateur, reste une tache indélébile dans la mémoire ouvrière ».

La Bataille du charbon, de Frédéric Brunnquell (Fr., 2015, 55 min).