Installé dans un ancien manège à chevaux du XIXe siècle, le cinéma Caroussel, à Verdun, a reçu le Grand Prix de la salle innovante 2016. | ADRC

S’installer dans une salle anonyme, au fond d’un centre commercial anonyme, pour manger du pop corn, plus personne n’a envie de ça ». Cédric Klapisch en est convaincu : les cinémas multiplexes construits dans des hangars sans âme, c’est fini. En septembre 2016, le réalisateur du Péril jeune a remis le Grand Prix de la salle innovante au Caroussel, à Verdun (Meuse), un ancien manège à chevaux du XIXe siècle transformé en cinéma par l’architecte Gilbert Long.

Créé en 2016 par le CNC, ce prix récompense « les exploitants qui mettent la modernisation de leurs salles au cœur de leur action ». L’émergence de nouveaux usages ne leur laisse pas trop le choix. « Pour faire face au téléchargement illégal et au succès de la vidéo à la demande, nous devons sans cesse innover », explique Jocelyn Bouyssy, le directeur général du groupe de cinémas CGR. Il y a une dizaine de jours, la chaîne a inauguré deux salles ICE (Immersive Cinema Experience) à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) et à Torcy (Seine-et-Marne). Non seulement les fauteuils, en cuir, sont numérotés et inclinables, mais les clients peuvent étendre leurs jambes. En outre, « des panneaux de LED prolongent l’image sur les murs latéraux pour donner au spectateur la sensation d’une immersion totale », détaille Jocelyn Bouyssy.

« Les cinémas doivent s’adapter à leur environnement. Les salles en inadéquation avec les attentes des spectateurs sont vouées à l’échec. » Claude Forest, professeur à la Sorbonne

Dans le même esprit futuriste, le Pathé de La Villette, à Paris, a ouvert en mars une salle 4DX équipée d’une technologie associant les mouvements des fauteuils, dynamiques, à des effets sensoriels tels que le vent, l’orage, le brouillard, la fumée, le tout en parfaite synchronisation avec le film. « C’est un symbole fort d’avoir installé cette salle à proximité de la Cité des sciences, souligne Claude Forest, professeur en études cinématographiques à la Sorbonne. Désormais, les cinémas doivent s’adapter à leur environnement. Les salles en inadéquation avec les attentes des spectateurs sont vouées à l’échec. Souvenez-vous des carrés VIP du Pathé Wepler (dans cette salle située place de Clichy, à Paris, il fallait payer un supplément pour être assis aux meilleures places), le concept avait révulsé le public, plutôt populaire. »

Le vintage Louxor, dans le quartier parisien de Barbès, privilégie la convivialité avec son bar-terrasse. | Jérôme Spriet

A Toulouse, l’éco-quartier de Borderouge se dotera en 2019 d’un cinéma avec terrasse, cheminée et bistrot. Le Ciné Borderouge servira aussi de siège aux associations du coin. Autre clientèle, autre type de cinéma : dans le quartier intellectuel et bourgeois de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, des exploitants confient l’aménagement intérieur à des stars du design pour décorer leurs salles. Les espaces communs du Nouvel Odéon de Matali Crasset sont meublés de pièces modulables et acidulées. Signé India Mahdavi, le Germain Paradisio a de faux airs de club privé. Tapissé de velours turquoise et garni de canapés confortables, il accueille parfois des concerts et des événements. « Les nouveaux cinémas sont des salles multifonctions qui peuvent se transformer en salles de concerts ou en bar », estime India Mahdavi. Voire en salle de conférences ou en agora.

Thierry Marx fait école sur le toit

A L’Etoile Voltaire, dont l’ouverture est prévue début 2019 dans l’Est parisien, le scan des tickets ne se fera plus dans le hall, mais à l’entrée des salles, de façon à ce que les visiteurs puissent se promener librement. Chacune des cinq salles aura une seconde vocation : spectacle vivant, tests d’étalonnage pour les professionnels, réunions… Et Thierry Marx installera sur le toit le restaurant de son école de cuisine.

Le groupe CGR fait le pari de la technologie à Torcy, en Seine-et-Marne (à g.), des panneaux de LED recouvrent les murs latéraux pour favoriser l’immersion du spectateur. A Paris, le Nouvel Odéon (à dr.), à Saint-Germain-des-Prés, a été scénarisé par la designer Matali Crasset. | CGR Cinémas. Luc Boegly

« Le cinéma est un lieu où l’on a envie de discuter », constate le sociologue Emmanuel Ethis. Pour s’en convaincre, il suffit de voir la foule massée sur la terrasse du bar du cinéma Louxor, dans le quartier de Barbès, à Paris, les soirs d’été. Ou les grappes de cinéphiles assis sur les marches du Gaumont Alésia, dont la façade, redessinée par l’architecte Manuelle Gautrand est recouverte de panneaux de LED. « Pour qu’une salle marche, elle doit être polyvalente et en lien avec son quartier », conclut Agnès Salson, l’auteure de Rêver les cinémas, demain (Ateliers Henry Dougier), à l’issue d’une enquête menée à travers toute l’Europe. Il semblerait que les exploitants français aient retenu la leçon.

Carnet d’adresses

Gaumont Alésia. 73, Av. du GénéraL-Leclerc, paris 14e .

Germain Paradisio. 25-27, Rue de Buci, Paris 6e.

Louxor. 170, Bd Magenta, Paris 10e.

Nouvel Odéon. 6, Rue de l’École-de-Médecine, Paris 6e.

Pathé La Villette. 30, Av. Corentin-Cariou, Paris 19e.

Caroussel. 4, Rue du 61e-Régiment-d’artillerie, Verdun (55).

CGR Val Arena. 210, Bd Étienne-Clémentel, Clermont-Ferrand (63).

Méga CGR Torcy. Promenade du 7E Art, Av. Lingenfeld, Torcy (77).