Trois ministres, de grandes ambitions et de spectaculaires abandons… La politique du logement, au cours du quinquennat de François Hollande, a démarré de manière volontariste, portée par Cécile Duflot, notamment pour stimuler la construction de logements sociaux. La ministre écologiste a initié deux lois majeures – la loi de mobilisation du foncier public du 18 janvier 2013 et la loi pour un accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) –, mais a profondément irrité les professionnels de l’immobilier.

Quand elle claque la porte du gouvernement, le 24 mars, Sylvia Pinel, issue des rangs des radicaux de gauche, lui succède, mais en réalité, c’est le premier ministre Manuel Valls qui reprend la politique du logement en gommant les aspérités de la loi ALUR. Emmanuelle Cosse, la troisième titulaire du poste, venue du mouvement écologiste, redonnera un coup de barre à gauche et sera chargée de porter la troisième grande loi du quinquennat pour ce ministère, la loi « égalité et citoyenneté ».

  • Des terrains publics pour les HLM

La loi sur la mobilisation du foncier public, adoptée le 18 janvier 2013, permet à l’Etat et ses opérateurs, SNCF, RATP, Assistance publique, de céder des terrains à des aménageurs privés ou publics avec une décote s’ils y édifient une forte part de logements sociaux. Thierry Repentin, en tant que délégué interministériel chargé de mettre en œuvre cette mesure, n’a pas hésité à bousculer les maires réticents et, après un lent démarrage, cela a donné des résultats. Ainsi, 13 parcelles ont été cédées en 2013 et 2014, puis 20 en 2015 et 105 en 2016, où seront édifiés 12 000 logements dont 55 % sociaux.

  • Des professionnels plus encadrés

L’autre loi majeure du quinquennat est la loi pour un « accès au logement et un urbanisme rénové » (ALUR), promulguée le 24 mars 2014. Le texte porte de 20 % à 25 % la part de logements sociaux exigée des communes urbaines d’ici à 2025. Il aborde de multiples sujets, tels la prévention des copropriétés en difficulté ou l’incitation des communes à établir des plans locaux d’urbanisme intercommunaux.

La ministre du logement s’est mis à dos les professionnels de l’immobilier en exigeant d’eux des obligations plus lourdes, comme l’information de plus en plus complète sur les biens vendus ou loués. Notaires et agents immobiliers prédisaient un blocage du marché mais, après une période d’attentisme, en 2014, les transactions ont atteint des records en 2015 (800 000 ventes) et en 2016 (850 000 ventes).

  • L’encadrement des loyers limité

La mesure le plus emblématique du quinquennat reste l’encadrement des loyers, prévu par la loi ALUR dans 28 agglomérations et qui fait hurler les propriétaires et les administrateurs de biens. A la rentrée 2016, le premier ministre, Manuel Valls, renonce à mettre en place cet encadrement des loyers, excepté à Paris, une concession faite à la maire Anne Hidalgo, qui en est une fervente partisane. L’encadrement y est devenu effectif au 1er août 2015. Lille l’a mis en place le 1er février 2017, sur l’insistance de la maire PS, Martine Aubry. Mais l’expérience s’arrête là. Ce refus par le premier ministre d’appliquer une disposition de la loi sera d’ailleurs censuré par le Conseil d’Etat en mars 2017. Mais Emmanuelle Cosse n’aura pas le temps d’étendre l’encadrement des loyers dans 411 communes de l’agglomération parisienne, comme elle l’avait espéré.

Pour le moment, les effets à Paris restent ténus. Les loyers parisiens ont, selon la banque de données Clameur, reculé de 0,8 %, en 2016, mais le plafonnement ne s’appliquant qu’au fil des relocations, il joue un rôle certes modérateur des loyers mais sur une faible part du parc.

  • Une garantie pas très universelle

L’autre mesure phare abandonnée en cours de mandat est la création d’une garantie universelle des loyers pour permettre à ceux qui n’ont pas de caution de trouver une location. Une mesure trop chère, a jugé le gouvernement, qui l’a remplacée par une garantie accordée aux étudiants et aux jeunes de moins de 30 ans, le dispositif Visale, géré par Action Logement. Mais la mesure est bien tardive, puisqu’elle ne fonctionne que depuis janvier 2016, et trop ciblée, y perdant son caractère universel. Elle rebute plus qu’elle ne rassure les bailleurs, reste méconnue et peu employée : à peine quelques milliers de ces garanties ont été accordées.

  • Une construction en fanfare

En reprenant les rênes de la politique du logement, Manuel Valls a aussi souhaité stimuler la construction, avec l’avantage fiscal Pinel pour les investisseurs dans un logement locatif, et avec la relance des prêts à taux zéro destinés aux primo-accédants. La construction est ainsi repartie à vive allure : la production annuelle, tombée, en 2013 et 2014, à 337 000 logements, a atteint, à fin mars 2017, les 400 000 logements mis en chantier. Le résultat est certes loin des objectifs des 500 000 unités promis par François Hollande mais, contrairement à l’ère Sarkozy, l’offre nouvelle se développe là où les besoins sont les plus aigus et se révèle bien mieux adaptée, avec 130 000 logements sociaux créés, dont les trois quarts dans les zones tendues, un niveau inédit depuis 2000.

  • L’hébergement d’urgence saturé

Le gouvernement s’était engagé dans un plan de lutte contre la pauvreté adopté en janvier 2013 et a consacré des efforts significatifs à l’accueil des sans-abri. Les crédits ont, en cinq ans, augmenté de 26 %, passant de 1,3 milliard d’euros, en 2011, à 1,8 milliard d’euros en 2016. La capacité d’accueil a, elle, progressé de 40 %, avec 30 000 places nouvelles sur un parc de 112 557 places, selon le rapport du sénateur Philippe Dallier, publié en janvier 2017. Mais la pression migratoire et une demande toujours plus aiguë ont été plus fortes, conduisant à une saturation inédite des centres d’hébergement et laissant sur le carreau un nombre croissant de sans-abri, y compris des familles.

  • L’échec de la mixité sociale

En dépit de la volonté de mieux répartir le parc social sur le territoire, avec la loi « solidarité et renouvellement urbains », la mixité sociale des quartiers difficiles n’a pas progressé et ils concentrent et accueillent toujours une forte majorité de familles défavorisées. Manuel Valls a souhaité mettre fin à « cet apartheid social et territorial », ce qui est devenu le but de la loi « égalité et citoyenneté », mais le texte, adopté le 22 décembre 2016, n’est pas encore entré en vigueur.