L’entrée du cimetière militaire de Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, en novembre 2014, avant la visite du président François Hollande. | AFP

L’historienne Armelle Mabon a été déboutée de sa plainte en diffamation contre son confrère Julien Fargettas par la 17e cour correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, vendredi 12 mai. La maîtresse de conférences à l’université de Bretagne-Sud, spécialiste des prisonniers de guerre « indigènes », avait porté plainte en septembre 2014 après la publication par M. Fargettas d’une Lettre ouverte au président de la République, publiée sur le site de la revue Etudes coloniales, puis sur celui de l’hebdomadaire Jeune Afrique.

Il est rare que les controverses scientifiques se règlent par médias interposés en prenant à témoin le chef de l’Etat, mais la tragédie de Thiaroye reste une plaie dans la mémoire entre la France et le continent africain.

Armelle Mabon, après avoir travaillé sur les archives disponibles, conteste la version officielle sur les événements du 1er décembre 1944 au camp militaire de Thiaroye, situé dans la périphérie de Dakar, alors capitale de l’Afrique occidentale française (AOF). Au récit qui a jusqu’à présent prévalu d’une rébellion de tirailleurs sénégalais matée par les troupes coloniales et ayant fait 35 morts, elle oppose celui d’un massacre de masse ayant abouti à la mort de quelque 300 hommes, dont le seul tort aurait été de réclamer des arriérés de solde. L’historienne, qui dénonce un mensonge d’Etat, réclame avec quelques-unes des familles des victimes la révision du procès qui aboutit à la condamnation de ces « mutins ».

Pas d’« atteinte à l’honneur et à la considération »

Dans sa lettre ouverte, M. Fargettas, qui a lui même écrit un livre sur les tirailleurs sénégalais, mettait directement en cause le travail de Mme Mabon en évoquant « l’omission d’autres archives et témoignages, des conclusions hâtives et d’autres raccourcis incohérents », qui « témoignent de la partialité de ce travail ».

Mais le tribunal dont le rôle n’était pas de dire l’histoire et donc de départager les thèses en présence, comme cela a été rappelé lors de l’audience, n’a pas jugé ces propos diffamatoires. « Le fait d’omettre des d’archives et des témoignages, s’il constitue une critique très dépréciative des travaux d’un historien, ne porte pas pour autant atteinte à l’honneur et à la considération au sens du droit de la presse. »

Présente lors du délibéré, Mme Mabon n’a pas caché sa déception. « Je vais poursuivre mon travail d’historienne. Je suis portée par tous ces hommes sous terre et rien ne m’arrêtera. » Elle a dix jours pour faire appel.