1. L’hôtel luxueux de la Pompadour

Les jardins du Palais de l’Elysée au milieu du XVIIIe siècle. | Bibliothèque nationale de France

En 1753, le roi Louis XV ­acquiert l’hôtel particulier du comte d’Evreux afin d’y loger une de ses favorites, la marquise de Pompadour. Œuvre de l’architecte ­Armand-Claude Mollet, l’édifice est construit et ­décoré entre 1718 et 1722 sur le faubourg Saint-Honoré, alors simple chaussée aux maisons à toit de chaume. Il tranche par sa majesté classique avec son vestibule à colonnes, sa cour d’honneur, son portail monumental et son étage « noble » aux hautes ­fenêtres. La marquise en enrichit la décoration avec des peintures de François Boucher, des tapisseries des Gobelins, des lustres en cristal de Bohême, et fait couvrir les murs de boiseries et d’or – le « style Pompadour ». Elle agrémente le jardin à la française de portiques, de charmilles, de cascades, mais aussi, pour plaire à sa fille Alexandrine, d’une grotte dorée et d’une bergerie. D’après l’historienne Simone Bertière, les habitants du quartier détestaient l’arrogance du lieu, et des graffitis fleurissaient sur les murs, dénonçant « la maison de la putain du roi ».

2. Le palais de l’Empire

« Napoléon Ier et Benjamin Constant dans les jardins de l’Elysée en juin 1815 », par Henri-Félix-Emmanuel Philippoteaux. | RMN-Grand Palais (musée des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau) / Gérard Blot

En 1805, Joachim Murat, maréchal d’Empire, époux de Caroline ­Bonaparte, achète à bas prix ­l’hôtel d’Evreux, transformé en ­café-concert et découpé en appartements après la Révolution. Il le transforme en un palais de style Empire avec l’aide de l’architecte Pierre-Alexandre Vignon. Une grande salle de bal est construite, encadrée de seize pilastres, ornée de grandes peintures paysagères : sous la République, les conseils des ministres se tiendront dans ce « salon Murat ». Un vaste escalier d’apparat à double volée, décoré de palmes dorées, symboles des victoires de l’Empire, prolonge le vestibule. Caroline Bonaparte occupe l’aile est, où elle aménage le salon d’Argent, doré à l’or blanc. En 1808, Joachim Murat devient roi de Naples, et l’empereur ­s’installe dans ce qu’on appelle l’« Elysée-Napoléon » du fait de la proximité de la promenade des Champs-Elysées. Il y préparera en 1813 la « campagne de France », qui sera un désastre. Au terme des Cent-Jours, après Waterloo, il signe le 22 juin 1815 sa seconde abdication dans le salon d’Argent.

3. Le repaire du coup d’Etat de Napoléon III

Gravure d’Albert Harlingue montrant l’arrivée du prince Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République française, à l’Elysée, à Paris, le 20 décembre 1848. | Albert Harlingue / Roger-Viollet

Le 20 décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte s’installe à l’Elysée après avoir remporté la première élection au suffrage universel. La Constitution de 1848 décrète que le président élu « doit être logé aux frais de la République » (article 62). Le « prince-président » donne au palais de grandes réceptions où passent les républicains Victor Hugo et Lamartine, méfiants. En sous-main, il prépare avec le duc de Morny et plusieurs conjurés le coup d’Etat du 2 décembre 1851. Il sera décidé la veille, dans le salon d’Argent. Plébiscité un an plus tard, Louis-Napoléon abolit la République, proclame le Second Empire et s’installe au palais des Tuileries. Il lance de vastes travaux pour ­rénover l’Elysée. Les dépendances deviennent deux ailes à balustrades. Un porche en arc de triomphe remplace l’ancien portail. Un nouvel étage est ajouté à l’aile est où loge sa promise, Eugénie de Montijo. L’Elysée devient la demeure des souverains étrangers en visite.

4. Sous de Gaulle, le QG présidentiel

Le président Charles de Gaulle, lors d’une conférence de presse au palais de l’Elysée, à Paris, le 27 novembre 1967 | © Roger-Viollet

Le 8 janvier 1959, le général de Gaulle s’installe à l’Elysée. Il le transforme en un véritable QG de l’action présidentielle – ce qu’il est resté. Lui s’installe au milieu du palais, dans l’ancienne chambre de l’impératrice Eugénie, le salon Doré, qui servira par la suite ­de cabinet de travail à tous les ­présidents – sauf Valéry Giscard ­d’Estaing. Les bureaux des ­conseillers, des chargés de mission, sont installés dans les appartements privés. Tous les conseils ­restreints et les conseils de défense se tiennent au palais. Le président y reçoit les chefs d’Etat étrangers, multiplie les réceptions – Noël des enfants… –, les cérémonies – compagnons de la Libération, ­14-Juillet… Il y signe avec Konrad Adenauer, le 22 janvier 1963, le traité de l’Elysée, qui consacre une nouvelle alliance franco-allemande. Il y tient ses conférences de presse. Il écrit dans ses Mémoires : « Tout compte s’il s’agit du prestige de l’Etat. » Le 24 mai 1968, il y ­prononce depuis son bureau une allocution radiodiffusée pour tenter d’arrêter la grève générale. Il ne sera pas écouté…