Javier Valdez a travaillé comme journaliste au Mexique pendant 30 ans. | HECTOR GUERRERO / AFP

Le bilan s’alourdit, faisant état de cinq reporters tués au Mexique cette année. Le journaliste mexicain Javier Valdez, pigiste de l’Agence France presse (AFP) dans l’Etat de Sinaloa et correspondant du quotidien La Jornada et de l’hebdomadaire Riodoce, a été assassiné lundi 15 mai dans la ville de Culiacan (nord-ouest). « Ca s’est passé devant les bureaux de Riodoce (…) Il a été attaqué à l’arme à feu », a expliqué à l’AFP une source judiciaire, ajoutant que « les experts légistes viennent d’arriver sur place ».

Javier Valdez, 50 ans, travaillait depuis de plus de dix ans pour l’AFP dans l’Etat de Sinaloa, fief du cartel de Joaquin « El Chapo » Guzman, actuellement incarcéré aux Etats-Unis. Il avait publié plusieurs ouvrages d’investigations sur le narcotrafic, dont un ultime livre l’an dernier intitulé Narcoperiodismo, la prensa en medio del crimen y la denuncia (Narcojournalisme, la presse entre le crime et la dénonciation).

L’arrestation puis l’extradition de « El Chapo » ont déclenché une violente guerre de succession entre différentes factions du cartel dans son fief de Sinaloa et certains Etats voisins. Deux semaines après l’extradition de Guzman, ses fils avaient envoyé une lettre manuscrite à la presse dans laquelle ils se plaignaient d’avoir été victimes d’une embuscade tendue par un lieutenant de « El Chapo », Damaso Lopez, arrêté depuis, début mai, à Mexico.

Le mois de mars a été particulièrement sombre avec trois journalistes abattus et un autre blessé grièvement. Face au manque de sécurité, le quotidien Diario Norte, basé à Ciudad Juarez, a cessé de paraître.

Veracruz, l’état le plus risqué pour la presse

L’année 2016 avait été marquée par un nombre record de 11 journalistes exécutés, alors que le Mexique figure au 3e rang des pays les plus dangereux pour les journalistes après la Syrie et l’Afghanistan, selon Reporters sans frontières (RSF).

Les assassinats de journalistes ont fortement augmenté depuis 2006 au Mexique, année où le gouvernement a déployé l’armée dans le pays pour lutter contre le narcotrafic. Depuis cette date, il se commet entre trois et dix homicides de journalistes par an, selon des chiffres de l’ONG Articulo 19.

Les efforts du gouvernement pour lutter contre cette situation « ont été insuffisants et la lutte pour rétablir la justice a échoué de façon spectaculaire », a dénoncé début mai le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). Dans son rapport intitulé « Pas d’excuse : le Mexique doit briser la spirale de l’impunité en matière d’assassinats de journalistes », l’ONG déplore que le système judiciaire mexicain « soit dysfonctionnel et débordé », ce qui fait que les crimes restent impunis.

L’exercice de la profession de journaliste est particulièrement risqué dans l’Etat de Veracruz, où s’affrontent les cartels du Golfe et des Zetas. Selon le CPJ, au moins six reporters ont péri entre 2010 et 2016 « en représailles directes pour leur travail informatif » dans cet Etat, alors gouverné par Javier Duarte, ex-membre du parti révolutionnaire institutionnel (PRI) du président Enrique Peña Nieto.

Dans son rapport publié en février, RSF estime que l’Etat de Veracruz est la région la plus dangereuse d’Amérique latine pour les journalistes, avec 19 assassinats entre 2000 et 2016.