L’exemple de la maire d’Afzalabad, Maryam Ahmadzehi, a incité un nombre record de villageoises à briguer un poste d’élu. | DR

Située dans le sud-est de l’Iran, la province démunie du Sistan-Baloutchistan est surtout connue pour l’insécurité qui y règne. Fin avril, dix gardes-frontières ont ainsi été assassinés par des rebelles sunnites. Mais alors que le pays s’apprête à élire son président le 19 mai, un village de la région vient de battre un record bien plus positif : celui de la participation des femmes à la vie politique. A Afzalabad, à 200 kilomètres de la frontière pakistanaise, les dix candidats aux quatre postes du conseil de village, dont le scrutin aura lieu le même jour que la présidentielle, sont des femmes.

L’efficacité de la maire

Qu’Afzalabad, où la population est baloutche et sunnite (une minorité ethnique et religieuse dans le pays), ait fait une telle place aux femmes ne cesse d’étonner en Iran. Le Sistan-Baloutchistan est une région traditionnelle où les relations tribales prévalent encore souvent. Que s’est-il passé pour que les hommes – père, frère ou mari – laissent ainsi leur place aux femmes ?

C’est Maryam Ahmadzehi, maire depuis huit ans de ce village de 170 habitants, qui a ouvert la voie. « Le jour où Madame Ahmadzehi a été nommée comme maire, notre village était une vraie ruine, raconte l’un des habitants au quotidien iranien Shargh. Aujourd’hui, la situation s’est beaucoup améliorée. » Les routes principales ont été aménagées et asphaltées, des parcs construits, l’électricité acheminée dans tout le village et des démarches administratives menées pour que les villageois obtiennent des actes de propriété après des années de bataille judiciaire. Une efficacité qui a impressionné les hommes du village, souvent pris par les tâches agricoles ou travaillant comme gardes-frontières.

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L’édile d’Afzalabad se félicite du changement des mentalités. « Les hommes ont compris qu’il était possible de faire confiance aux femmes, constate Maryam Ahmadzehi. Je crois que la présence des femmes aux postes officiels est un processus qui doit se faire dans la durée. »

« Si les femmes étudient, elles pourront créer des emplois. » Farhnaz Ahmadzehi, candidate au conseil de village

A 37 ans, cette mère de quatre enfants est en train de finir son master en gestion industrielle, à Saravan, à 120 kilomètres d’Afzalabad. Son rêve ? « Qu’un jour tous les obstacles sur le chemin des femmes, parfois enracinés dans notre culture, disparaissent et que la méritocratie remplace le patriarcat. » Permettre aux filles d’accéder à l’enseignement est d’ailleurs l’une des promesses de campagne des jeunes candidates. « Si les femmes étudient, elles pourront créer des emplois », explique l’une d’elles, Farhnaz Ahmadzehi, qui voudrait construire un atelier de produits artisanaux pour que les femmes puissent avoir un revenu.

Afzalabad est loin d’être une exception dans la région. Dans le district de Khash, dont dépend Afzalabad, le record de femmes candidates a également été battu. Sur 1 235 inscrits aux élections des conseils de villes et de villages, 347 sont des femmes, soit 28 %, contre 6,3 % au niveau national. Selon le gouverneur du district de Khash, Mojtaba Shojaie, cette augmentation spectaculaire est due aux « activités croissantes des femmes dans le tourisme, dans la défense de l’environnement et dans des sports comme le foot ».

Au niveau national, le président modéré Hassan Rohani, candidat à sa réélection, prône un rôle plus important pour les femmes dans la société. Il en a d’ailleurs nommé plusieurs comme vice-présidentes, dont Masoumeh Ebtekar, chargée de l’environnement, et Zahra Ahmadipour, à la tête de l’Organisation du patrimoine culturel, de l’artisanat et du tourisme. Alors que 137 femmes se sont inscrites à la présidentielle, le Conseil des gardiens de la Constitution, chargé d’étudier les candidatures, n’en a retenu aucune. Une femme présidente en Iran, ce n’est pas encore pour demain.