Des agents municipaux vaporisent de l’insecticide dans un quartier de Recife, au Brésil, le 26 janvier 2016. | Felipe Dana / AP

Pollyana Dias ne crie pas victoire, mais elle respire. La présidente de l’association Amar soutient les parents d’enfants atteints in utero par le virus Zika, à Recife, dans le Nordeste, au Brésil. En 2016, la capitale de l’Etat du Pernambouc avait été rebaptisée la « capitale du Zika », du fait de la concentration spectaculaire de l’épidémie. Mais, depuis début 2017, les cas de microcéphalies chez les nourrissons à la suite de la contamination de leur mère pendant la grossesse ont miraculeusement chuté. « L’année dernière, il y a eu 409 cas à Recife, cette année 2 ! », raconte Mme Dias.

« Cette décrue, on l’espérait tant », poursuit-elle, évoquant le malaise lié à l’emballement médiatique de l’an passé et à l’enfer des mères de « bébés Zika ». Au-delà des retards de développement, des difficultés à marcher, parler, voir ou entendre, les enfants désormais âgés de plus de 1 an présentent de graves lésions du système nerveux. Certains ne parviennent pas à déglutir, d’autres, incapables de respirer, sont trachéotomisés. « C’est pire que ce qu’on imaginait », raconte la bénévole. Les mères, hier battantes, prennent aujourd’hui conscience de ce que sera leur avenir. « Elles ont peur », décrit Mme Dias.

Ces femmes seront-elles les victimes d’une épidémie éclair ? Après la détection fin 2015 de la mystérieuse maladie, le Brésil s’interroge sur l’évanouissement soudain du virus. Entre le 1er janvier et le 15 avril, le ministère de la santé recensait dans l’ensemble du pays 7 911 cas de Zika – une chute de 95 % par rapport à 2016. Le nombre de naissances d’enfants microcéphales a suivi la même tendance avec 3 651 cas notifiés auprès du ministère dont 230 confirmés. Au total, depuis novembre 2015, le Brésil a enregistré 13 490 cas de microcéphalies – dont 2 653 confirmés.

Intervention de l’armée

Les cas de dengue (- 90 %) et de chikungunya (- 68 %), transmis par le même moustique, ont eux aussi baissé. Fort de ce constat, et des progrès réalisés sur la maladie, le ministère de la santé a décidé, le 11 mai, six mois après l’Organisation mondiale de la santé, de mettre fin à l’état d’urgence décrété en novembre 2015.

« Le recul concomitant des cas de Zika, de dengue et de chikungunya laisse penser que la lutte contre le moustique a eu des effets », se réjouit Joao Paulo Toledo, le directeur du département de vigilance des maladies contagieuses au ministère de la santé. Malgré ses difficultés budgétaires et les turbulences politiques, l’Etat n’a pas ménagé sa peine pour détruire les foyers de moustiques, faisant même intervenir l’armée. L’information divulguée chez les femmes enceintes et auprès du grand public, dans les écoles, ou dans les favelas où sévit particulièrement l’Aedes aegypti, a sans doute aussi contribué à réduire le fléau.

La guerre n’est pas terminée. D’autant qu’au sein de la communauté scientifique beaucoup doutent que l’action des pouvoirs publics contre un insecte enraciné au Brésil ait eu un effet significatif. « Les ressources sont bien insuffisantes. L’Etat n’a pas pu avoir d’action déterminante », estime Kleber Luz, directeur scientifique de la société brésilienne de dengue et des arbovirus, basé à Natal, dans l’Etat de Rio Grande do Norte, et membre de l’un des groupes de recherche sur le Zika. « En dépit de la bonne volonté politique, il est impossible d’éradiquer un moustique devenu résistant aux insecticides », abonde Rodrigo Brindeiro, directeur de l’institut de biologie de l’université de Rio de Janeiro et coordinateur du groupe de recherche sur le Zika au sein de cette université.

« On n’a que des hypothèses »

« En réalité on ne sait pas expliquer la chute du nombre de cas de Zika. On n’a que des hypothèses », confie M. Luz. Parmi les pistes évoquées figure le développement d’une immunité chez les populations touchées. S’ajoute à cela la présence plus rare du moustique, si ce n’est du fait de la guerre lancée par l’Etat, du moins à cause de variations climatiques.

A écouter les chercheurs, le Zika, loin d’avoir disparu, pourrait ainsi prendre la forme d’une épidémie endémique, à même de frapper le pays à intervalles réguliers, bien que de façon moins impressionnante qu’entre 2015 et 2016.

« Le Zika n’a pas fini sa course », estime Sylvain Aldighieri, du département des urgences sanitaires au sein de l’Organisation panaméricaine de santé. A l’instar de la dengue, qui réapparaît sous quatre formes différentes, le Zika pourrait surgir de nouveau au sein de poches de populations non immunisées ou chez des populations qui auraient perdu, au fil du temps, leur résistance. Une autre interrogation taraude les chercheurs concernant les liens possibles entre dengue et Zika, la contamination par le premier arbovirus pouvant, redoutent certains, aggraver la réaction au second.

« On n’a pas d’explication pour tout », confie M. Aldighieri. Une humilité qui pousse la communauté scientifique à poursuivre ses travaux. Notamment pour la recherche d’un vaccin, encore à l’état expérimental.