Les cinq filles au look de chanteurs de K-pop du groupe Acrush ont entre 18 et 24 ans. | Thomas Peter/Reuters

En à peine deux mois d’existence, Acrush est devenu un phénomène en Chine. Le groupe n’avait pas encore sorti la moindre chanson qu’il comptait déjà 900 000 abonnés sur Weibo, le Twitter chinois. La clé de ce succès instantané ? Les mignons minois de ses cinq membres, âgés de 18 à 24 ans, leur look de chanteurs de K-pop (très influente en Chine), fait de mèches décolorées et d’habits streetwear… Et le fait que les membres du boys band sont toutes des filles.

De quoi faire vibrer les réseaux sociaux pendant un moment. Le « A » de Acrush renverrait à Adonis, symbole de la beauté masculine, qui, selon la mythologie grecque, fit tourner la tête de la déesse Aphrodite (crush signifie en anglais « coup de cœur »).

« Nous les avons découvertes comme ça. Quand elles ont passé les auditions, nous aussi nous les avons prises pour des garçons. » Wang Tianhai, patron de la société de production

Acrush est dans l’écurie de la maison de production Zhejiang Huati Culture Communication, une filiale du géant du Web Tencent, propriétaire du réseau social WeChat, qui compte 900 millions d’utilisateurs. Des auditions sont organisées dans tout le pays, puis la plate-forme de vidéo en direct de Tencent diffuse des télécrochets, au cours desquels les groupes sont formés comme des produits marketing.

Pourtant, Zhejiang Huati Culture Communication se défend d’avoir fabriqué ce groupe et relooké ses membres. « Nous les avons découverts comme ça, raconte Wang Tianhai, le patron de la société de production. Quand elles ont passé les auditions, nous aussi nous les avons prises pour des garçons. » Le 28 avril, au cours d’une conférence de presse, la leader d’Acrush, Peng Xicheng, a expliqué qu’elle se sentait mieux en jean qu’en jupe : « Avant, j’étais danseuse professionnelle et je m’habillais en minijupe sexy. Mais dans la vraie vie, j’ai un look similaire à celui du groupe. »

Acrush首支单曲《行动派》首发!

Le management d’Acrush évite pour autant de souligner la liberté véhiculée par ce style. Ainsi, les termes genrés sont soigneusement évités à leur sujet, le mot neutre de meishaonian (« belle jeunesse ») leur étant préféré. Dans un pays où les questions de genre restent peu abordées et où des militants féministes ou LGBT sont régulièrement arrêtés pour trouble à l’ordre public, pas question pour des groupes commerciaux de parler de sujets sensibles. « Ce n’est pas pour nous, reconnaît Wang Tianhai. Nous, nous faisons de la musique pop. Nous avons aussi des groupes de filles mignonnes et sexy. »

Un talent de rappeuses

Si les réseaux sociaux ont beaucoup commenté l’allure des membres d’Acrush, et si les médias tant occidentaux que chinois ont été intrigués par le phénomène, la première chanson du groupe, sortie fin avril, n’a pas fait beaucoup de bruit. Sur fond de sons électro, les interprètes d’Acrush rappent avec talent. Un peu d’auto-tune vient modifier les voix pendant le refrain, qui proclame : « Je n’en peux plus de cette existence minable, quand ce monde chaotique va-t-il enfin exploser ? » Rien de bien révolutionnaire.

Au fond, c’est bien avant tout le style d’Acrush qui détonne dans le panorama chinois. En 2005, une émission de télévision avait fait émerger une star, Li Yuchun, qui, malgré une voix faiblarde, avait conquis le public avec un look androgyne anticonventionnel. Depuis, quelques artistes ont affronté le public avec une allure similaire, mais sans rencontrer le même succès. Pour Acrush, passé le buzz, le plus difficile reste à faire : durer, avec de bonnes chansons.