Le maire conservateur de Téhéran, Mohammad Bagher Ghalibaf, le 14 mai à Téhéran. | ATTA KENARE / AFP

A seulement quatre jours du premier tour de la présidentielle iranienne, organisé vendredi 19 mai, le maire conservateur de Téhéran, Mohammad Bagher Ghalibaf, a annoncé, lundi, le retrait de sa candidature. Dans un communiqué, il s’est rallié au favori du camp conservateur, Ebrahim Raisi, contre le gouvernement « inefficace » et « incompétent » du président modéré Hassan Rohani, qui brigue un second mandat.

« J’espère que cette décision sera le début d’une évolution économique (…) au profit des déshérités et des démunis », a ajouté le maire de Téhéran, qui a mené une campagne sans merci contre le président Rohani et son entourage, les accusant de « corruption » et de « favoritisme ».

Les conservateurs renforcés

Une petite heure après l’annonce du retrait, Ebrahim Raisi, en meeting à Chiraz, l’a remercié pour son « geste révolutionnaire » et promis de l’intégrer dans son gouvernement. D’ici à vendredi, il est fort probable que la présidentielle se transforme en un duel entre le conservateur Ebrahim Raisi et le modéré Hassan Rohani. Face à cette mobilisation du camp conservateur et religieux, les modérés et réformateurs serrent aussi les rangs. L’ancien ministre des sports, Mojtaba Hachémi-Taba, a déjà appelé à voter pour le M. Rohani et son vice-président, Eshagh Jahangiri, se retirera avant jeudi. Le troisième candidat conservateur, Mostafa Mirsalim, peu connu, devait organiser mercredi une conférence de presse, où il annoncera vraisemblablement son retrait.

Cette nouvelle donne est avant tout un succès pour les conservateurs et, notamment, pour le Front populaire des forces de la révolution islamique, farouche critique de la politique d’ouverture à l’Occident du président Rohani.

Dans le camp du président Rohani aussi, modérés, réformateurs et même certains conservateurs unissent leurs forces. Dans une vidéo publiée dimanche, l’ex-président réformateur Mohammad Khatami (1997-2005) a appelé à voter pour Hassan Rohani, un message susceptible de mobiliser un grand nombre d’électeurs, notamment dans la jeunesse. L’un des chefs de file de l’opposition réformatrice, Mehdi Karoubi, assigné à résidence, a également fait savoir son intention de donner sa voix au président sortant.

Les conservateurs ont mené campagne en attaquant la mauvaise gestion d’Hassan Rohani et son bilan économique. Malgré l’accord sur le nucléaire, signé avec les grandes puissances en juillet 2015, et la levée progressive d’une partie des sanctions, les retombées positives tardent à se faire sentir. Les adversaires du président Rohani l’accusent également de ne pas être assez ferme face à l’Occident. « L’accord [nucléaire] est comme un chèque et, à cause de la faiblesse affichée par l’Etat, il ne peut absolument pas l’encaisser », avait déclaré de manière imagée Ebrahim Raisi, lors du dernier débat télévisé, le 12 mai.

« Marquer des points »

Si Mohammad Bagher Ghalibaf s’est retiré, avance Ali Vaez, analyste sur l’Iran pour l’International Crisis Group, c’est parce qu’il a voulu avant tout « éviter une troisième défaite embarrassante dans une course présidentielle », après celles de 2005 et de 2013. Ce retrait lui permettra également de marquer « des points importants auprès de l’establishment, dans le cas d’une victoire d’Ebrahim Raisi », poursuit-il.

Selon un sondage effectué la semaine dernière par le Centre de sondage des étudiants iraniens, un organisme officiel, Hassan Rohani est crédité de 42 % de voix, contre 27 % pour Ebrahim Raisi et 25 % pour Mohammad Bagher Ghalibaf. A en croire Ali Vaez, malgré ces chiffres, le retrait du maire de Téhéran ne garantit pas pour autant une victoire d’Ebrahim Raisi : « Tous les électeurs de Ghalibaf ne se déplaceront pas vers Raisi, car le premier représente l’aile moderniste dans le camp conservateur face au second. La polarisation de la campagne risque de favoriser une mobilisation des électeurs, ce qui est plus à même de bénéficier au président Rohani. »