Mouvement de protestation des salariés Tati, le 4 mai, dans le quartier Barbès à Paris. | JACQUES DEMARTHON / AFP

Grand oral pour les repreneurs de Tati. Aux représentants du personnel réunis à La Plaine Saint-Denis (Saint-Denis), mardi 16 mai, au siège social de l’enseigne, les dirigeants de GiFi, Stokomani, Centrakor, Foir’Fouille, Maxi Bazar et Babou devaient détailler leurs offres de reprise d’Agora Distribution. Le groupe, qui exploite les 145 magasins Tati, Fabio Lucci, Giga Store et Degrif Mania, a été placé en redressement judiciaire au début du mois.

Cette étape est jugée clé. Car, au cours de cette journée marathon, les représentants des 1 754 salariés auront devant eux, pour la première fois, ceux qui, à peu de frais, veulent mettre la main sur les meilleurs emplacements de Tati en France. A commencer par Philippe Ginestet. Le 20 avril, le fondateur de l’enseigne GiFi avait révélé être prêt à reprendre « 110 des 120 magasins Tati » et « 1 200 emplois directs ». Lundi 15 mai, à la veille de cette présentation, il assure au Monde avoir « sensiblement amélioré son offre », sans toutefois la dévoiler.

Persuasion

Les membres des trois comités d’entreprise d’Agora qui doivent donner leur avis aux autorités judiciaires pourront également questionner les dirigeants de Stokomani, Centrakor, Foir’Fouille et Maxi Bazar. Méconnus du grand public, ces entrepreneurs auront à défendre une offre portant sur 88 magasins et 1 051 emplois. Maxi Bazar est notamment prêt à relancer la marque sur une dizaine de magasins.

L’offre de ce consortium a été abondée en promettant « 90 millions d’euros pour la modernisation des magasins », contre 60 millions initialement, et « 106 propositions de reclassement au sein de ces différentes enseignes et de leurs sièges sociaux ». Et aux salariés non-repris, les quatre associés jurent désormais vouloir accorder « 2 000 euros chacun » pour leur reclassement. Ils seraient prêts à embaucher les employés licenciés. « Chaque année, ces quatre enseignes signent 980 créations d’emplois, en net », précise un porte-parole. En outre, à la veille de cette présentation, ce dernier prévient que « leur offre est désormais indivisible ».

L’enseigne Babou devra, elle aussi, faire preuve de persuasion. Son offre de reprise ne porte que sur six magasins Tati situés en région parisienne. Le distributeur fondé en 1979 (92 magasins pour 400 millions d’euros de chiffre d’affaires) laboure le créneau de la mode et de la décoration à petits prix. « Avec Tati, nous sommes deux clones », fait valoir Thierry Morter, son directeur général. Babou promet de reprendre une centaine de salariés et assure aussi « financer des mesures d’accompagnement » des employés des magasins non repris et promis aux licenciements, sans pour autant dévoiler le montant accordé.

Accélérer le processus de cession

Le tribunal de commerce de Bobigny examinera ces offres le 29 mai. « Cette présentation aux salariés n’est qu’une étape », jure Michel Rességuier, directeur général d’Agora Distribution, qui assure pouvoir en améliorer le volet social.

Mais déjà pointe une polémique sur le financement du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) des licenciés Tati. Thomas Hollande s’est emparé du sujet. Le fils de l’ancien président de la République, avocat d’une partie des salariés d’Agora Distribution, a interpellé son successeur Emmanuel Macron. Il le fera encore « dès que le nouveau gouvernement sera nommé ». « C’est la loi Macron qui a supprimé l’obligation pour les groupes de financer les PSE de leurs filiales en redressement judiciaire », a-t-il déclaré lors d’un rassemblement par l’intersyndicale des salariés Eram, samedi 13 mai, rapporte l’AFP.

La maison mère d’Agora Distribution a mis en vente ces enseignes en février, identifié plusieurs repreneurs et choisi de passer par une procédure dite de « prepack cession » dans le cadre d’un redressement judiciaire. Créée en 2014, cette procédure est censée accélérer le processus de cession des entreprises en difficulté. D’après MHollande, elle éviterait au groupe Eram, qui détient Tati depuis 2004, d’avoir à supporter le coût d’un plan social.

« Un PSE est financé à la mesure des moyens du groupe », lui répond M. Rességuier. Or, révèle ce dirigeant, le groupe détenu par la famille Biotteau n’en aurait plus les ressources. Eram, dont le chiffre d’affaires s’élevait à 1,5 milliard d’euros en 2015, serait, dit-il, « largement déficitaire ».