A Paris, le 7 mai. | BENJAMIN GIRETTE / HANS LUCAS POUR LE MONDE

Longtemps, Bruno Le Maire, 48 ans, a rêvé d’être l’homme du renouveau. Après avoir sillonné les routes de France depuis 2012, il bousculerait les revenants Nicolas Sarkozy et Alain Juppé et gagnerait la primaire de la droite. Alors le député de l’Eure a fait des centaines de meetings, écrit 1 000 pages de programme, organisé tout un réseau de référents locaux… Et puis, rien n’a fonctionné comme prévu. Dans la dernière ligne droite, il a décroché des sondages avant de s’écraser à 2,38 % des voix, derrière Nathalie Kosciusko-Morizet. Le député de l’Eure n’a pas su être l’homme de la droite, mais son inspiration sur le besoin de changement était juste puisque les Français ont élu un homme de 39 ans lors de l’élection à la présidentielle. Malgré cet échec, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy revient aux affaires puisque Edouard Philippe l’a intégré à son gouvernement au poste de ministre de l’éconmie.

Pendant des années, Bruno Le Maire a été l’ombre de Dominique de Villepin. En 2003, les Français ne le connaissent pas encore, mais le directeur de cabinet du ministre des affaires étrangères est un rouage essentiel de l’opposition de la France à la guerre en Irak. Enarque, normalien, major de l’agrégation de lettres, ce grand échalas est un technocrate à la tête bien faite. Nicolas Sarkozy le prend dans ses gouvernements. Il devient secrétaire d’Etat aux affaires européennes puis ministre de l’agriculture. Ecrivain à ses heures, il rêve de s’émanciper de son image de sérieux et de devenir un de ces grands fauves de la droite qui se battent pour le pouvoir.

En 2012, l’ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin est considéré comme brillant par ses pairs. Il est respecté pour ses livres à succès sur les coulisses du pouvoir. Mais il reste un technocrate qui s’est piqué de politique, un énarque au « charisme d’huître », selon les sarkozystes. Il n’a aucun réseau, aucune structure. A l’automne 2012, l’ancien ministre est incapable de réunir les 7 924 parrainages nécessaires pour participer à l’élection à la présidence de l’UMP. Avec l’aide de Jérôme Grand d’Esnon, un ancien homme de l’ombre de Jacques Chirac, il va recruter toute une armée de militants et rallier de nombreux élus. Il échoue pour la présidence de l’UMP en 2014 mais parvient à rendre moins nette la victoire de Nicolas Sarkozy. Il se met à y croire.

Contre « l’assistanat »

Entre 2014 et 2016, il est avec François Fillon celui qui mène la campagne la plus intense. En axant tout sur une inspiration : le besoin de renouveau des Français. Son slogan, « Le renouveau, c’est Bruno », s’affiche partout : dans ses salles de meeting, sur les tee-shirts colorés de ses jeunes partisans… Micro à la main, premier bouton de chemise ouvert, le normalien se fait bateleur et flatte le peuple de droite. Il veut lutter contre « l’assistanat » en privatisant Pôle emploi et en plafonnant toutes les aides sociales à deux tiers du smic…

Homme du sérail, M. Le Maire a senti le ras-le-bol des Français vis-à-vis de leurs responsables politiques. Alors il veut briser son image et se pose en moderne qui aurait appris de ses années de pouvoir : il porte en étendard sa position en faveur du mariage homosexuel contre l’avis de sa famille catholique pratiquante, il démissionne de la fonction publique et critique les « mous du bide », les « assis », « ceux qui ne croient en rien » : « Je torpillerai l’ancien régime, je torpillerai les technocrates car j’en suis un. Enarque, ancien normalien, major de l’agrégation de lettres… Ils savent que je les connais bien. Juppé préservera l’ancien régime. Moi, je le foutrai en l’air, c’est ça qui se joue en 2017 », confie-t-il à l’époque.

Le résultat sera catastrophique. Ce qui ne l’empêche pas de bouger encore. Au soir de sa défaite, il est le premier à rejoindre François Fillon, dont il devient le représentant pour les questions internationales. Le jour de l’annonce de la convocation du candidat par les juges, il est le premier à quitter la campagne avec ses proches. Le soir de l’élection d’Emmanuel Macron, il est le premier homme important de droite à offrir ses services. Cela lui a valu d’être récompensé par Emmanuel Macron et Edouard Philippe.