La prison s’impose parmi les principales urgences que le nouveau ministre de la justice, François Bayrou, trouvera en s’installant Place Vendôme. Il lui faudra tout d’abord nommer un directeur de l’administration pénitentiaire, en raison de la démission, le 31 mars, de Philippe Galli. Compte tenu du caractère politique de ce poste essentiel pour mettre en œuvre la politique carcérale que portera le nouveau garde des sceaux, il a été logiquement laissé vacant par Jean-Jacques Urvoas, le ministre sortant.

La question des prisons, c’est d’abord celle de la surpopulation. Alors que le nombre de détenus en France a dépassé pour la première fois en mars les 70 000 personnes (pour 58 670 places), les chiffres devraient continuer de croître dans les prochains mois. Certes, le gouvernement sortant a lancé un programme de construction de places (près de 4 000 cellules et 28 quartiers de préparation à la sortie), en prévoyant dès le budget 2017 des autorisations d’engagements à hauteur de 1,1 milliard d’euros. Mais il faut au moins cinq ans pour construire une prison.

Le choix de l’implantation des nouvelles maisons d’arrêt en Ile-de-France, là où l’urgence est la plus forte, a déjà pris du retard par rapport au calendrier promis cet hiver. Or, la situation est intenable, comme à la prison de Villepinte, dont la directrice a officiellement prévenu les tribunaux, en mars, qu’elle ne pouvait plus accueillir un détenu de plus, compte tenu d’un taux d’occupation qui a franchi les 200 %.

L’urgence est celle des moyens

La capacité du parc pénitentiaire est une contrainte que le nouveau ministre ne pourra pas éluder quand il s’agira de mettre en œuvre la promesse du nouveau président de la République d’exécuter toute peine de prison ferme prononcée, quitte à l’aménager au bout des deux tiers, de façon plus volontariste qu’aujourd’hui. L’une des ambitions du programme d’En marche ! est de développer les sanctions alternatives à la prison, en particulier les travaux d’intérêt général (TIG), en créant une agence nationale.

Le volontarisme politique du nouveau ministre sera nécessaire, notamment auprès des collectivités locales qui proposent les travaux d’intérêt général (entretien des espaces verts, de l’espace urbain…), alors que les incantations se succèdent depuis des décennies sans que le nombre de TIG augmente.

L’autre urgence est celle des moyens de la justice. Au point que la plupart des principaux candidats à l’élection présidentielle avaient inscrit dans leur programme une hausse significative du budget de la mission, hors prisons, sur le quinquennat. Emmanuel Macron, n’a pas chiffré cet effort dans son programme. En revanche, il prévoit des investissements informatiques de grande ampleur pour faciliter l’accès à la justice, le lancement des procédures, et même le règlement de petits contentieux. Mais un tel chantier, nécessairement de moyen terme, ne sera pas de nature à redonner de l’air à des juridictions au bord de l’asphyxie avant plusieurs années.

Un certain consensus pour une loi de programmation pour les moyens de la justice a émergé depuis dix mois. Le rapport de la commission sénatoriale pluripartisane sur le redressement de la justice, rendu au début d’avril par le président de la commission des lois, Philippe Bas (LR), pourra servir de base. Le secrétariat général du ministère devrait même avoir déjà préparé pour le nouveau ministre, à la demande de son prédécesseur, les éléments pour les budgets 2018, 2019 et 2020.

La négociation budgétaire, le nerf de la guerre, devra en effet s’engager très rapidement, alors que le rattrapage de la justice en termes de moyens vient à peine d’être lancé. Le premier ministre, Edouard Philippe, devra rendre au début de juillet, au plus tard, ses arbitrages en fonction des priorités fixées par Emmanuel Macron.