Richard Ferrand, lors du débat du second tour sur le plateau de TF1, le 7 mai. | Benjamin Girette / Hans Lucas Pour le Monde / Benjamin Girette

(Version courte d’un article publié dans M le mag, le 29 mars.)

Inconnu du grand public il y a encore quelques semaines, Richard Ferrand, nommé ministre de la cohésion des territoires, a été l’un des hommes clés du dispositif du président de la République pendant sa campagne, après avoir été le premier parlementaire socialiste à rejoindre l’ancien ministre.

Agé de 54 ans, cheveux plaqués en arrière à l’aide d’un gel qu’on devine appliqué à la « va comme je te pousse », lunettes à monture discrète, costume bleu élégant, Ferrand n’a en apparence pas grand-chose à voir avec les bébés bénévoles qui entrent dans son bureau du quartier général d’En marche ! comme dans un fast-food pour déposer des notes, discuter d’un point d’agenda, préparer une réunion. Ces gosses pourraient être les siens, et le député breton fait… député, avec ses chemises parfaitement repassées et sa chevalière au doigt.

Dans ce drôle d’assemblage d’anciens et de modernes, l’élu du Finistère semble pourtant très à son aise. Difficile d’ailleurs d’imaginer cette grande gueule gênée par quoi que ce soit. Il fait ce qu’il veut, dit ce qu’il veut, toujours un bon mot à la bouche, qu’il débite à la vitesse où il enchaîne les cigarettes.

Couteau suisse

Richard Ferrand est, en quelque sorte, le couteau suisse du candidat Macron. Dans un mouvement où tout était à construire, il a monté les comités locaux, formé des groupes d’experts, trouvé des référents dans chaque département, rédigé des pans de son programme économique.

L’amitié entre Emmanuel Macron et Richard Ferrand est récente. Elle a d’ailleurs démarré par un rendez-vous manqué. A l’origine, c’est Arnaud Montebourg que le parlementaire voulait rencontrer en 2014, pour lui parler des professions réglementées, un secteur que le ministre de l’économie voulait réformer. Mais c’est finalement à Emmanuel Macron qu’il s’adresse, après qu’il eut remplacé l’élu de Saône-et-Loire le 26 août de cette année.

La rencontre est cash. Ferrand attaque : « Déjà, vous débarquez avec une image de techno et d’ancien banquier ! Alors si en plus vous soutenez un rapport qui préconise la suppression de services au public, ça ne va pas le faire… Ok pour réformer, mais il ne faut pas s’y prendre n’importe comment ! » Réponse de Macron : « Vous, vous êtes franc au moins ! Ça tombe bien, moi aussi. » Il décide de lui confier un rapport sur les professions réglementées.

Le député devient ensuite naturellement rapporteur général de la loi Macron mais ressort de l’expérience avec un brin d’amertume : « De nombreux élus de droite me disaient qu’ils approuvaient la loi, mais qu’ils devaient voter contre. J’ai vu de près la malhonnêteté intellectuelle, c’était déprimant. » Il est mûr pour adhérer au projet de Macron, dont l’objectif est de dépasser les clivages pour réformer. Il est le premier à le rejoindre, le 6 avril.

Un député inclassable

Richard Ferrand n’est pourtant pas un professionnel de la politique, à laquelle il est venu assez tardivement et par une suite de hasards. Originaire de Rodez, dans l’Aveyron, il a d’abord été journaliste (il a notamment pigé au Monde) puis a monté une agence de graphisme et un cabinet de conseil en communication.

En 1991, un ami lui dit que le secrétaire d’Etat aux affaires sociales et à l’intégration, Kofi Yamgnane, cherche un conseiller. Il se met au service du ministre, qui lui fait connaître la Bretagne, dans laquelle Ferrand s’implante, en reprenant notamment la direction générale des Mutuelles de Bretagne et en se lançant à plusieurs reprises dans de vains combats électoraux à Carhaix.

En 2010, il est enfin élu au conseil régional et emporte le siège de député en 2012. Socialiste, Richard Ferrand l’est assurément, puisqu’il a pris sa carte du Parti socialiste le jour de ses 18 ans, en 1980. Mais le nouveau député est inclassable. Mitterrandien, emmanuelliste, il a ensuite soutenu Martine Aubry à la primaire de 2011, avant de flirter avec les frondeurs.

Le secrétaire général jure n’avoir aucun problème à cohabiter avec des personnalités de droite au sein d’En marche ! : « Chacun assume son parcours d’origine, mais les choses sont claires : chacun doit s’adapter, nous sommes cimentés par le projet du candidat. » Emmanuel Macron apprécie le côté plastique du député : « Il est très atypique, il sait parler au monde de la société civile comme aux élus. Il connaît très bien la vie politique, mais ne se laisse pas enfermer dedans. »