Meeting du candidat conservateur à la présidentielle, Ebrahim Raisi, à Téhéran, le 29 avril. | ATTA KENARE / AFP

Comme tous les quatre ans, à vingt-quatre heures du scrutin, les éboueurs ont commencé à arracher les affiches électorales et à ramasser les tracts jetés par terre. Jeudi 18 mai à 8 heures du matin, la campagne présidentielle a officiellement pris fin en Iran.

Contrairement à ce qui s’était produit pour les dernières élections, où les réformateurs avaient été les seuls à utiliser les réseaux sociaux, cette année les conservateurs ont eux aussi largement eu recours au monde virtuel. Ce jeudi, à quelques heures du vote, le président sortant, le modéré Hassan Rohani, et son principal adversaire, le conservateur Ebrahim Raisi, ainsi que leurs soutiens continuent à faire campagne sur Internet.

Selon le ministère de la communication, 37 % de 79 millions d’habitants que compte le pays disposent d’un accès à Internet, dont 19 millions par le biais de leur téléphone portable. Pas moins de 76 millions de lignes de téléphonie mobile existent en Iran.

Des chaînes Telegram officielles

La messagerie cryptée Telegram, qui possède 40 millions d’utilisateurs dans le pays, s’est placée au premier rang de cette campagne électorale, qui s’est jouée en grande partie en ligne. Tous les candidats ont des chaînes Telegram officielles, à travers lesquelles ils ont relayé des contenus défendant leurs bilans ou dénonçant les « mensonges » de leurs adversaires.

Pendant les débats télévisés, lorsque le maire conservateur de Téhéran, Mohammad Bagher Ghalibaf – qui s’est depuis retiré de la course – a accusé la fille de l’un des ministres du président Rohani de « contrebande » et que ce dernier a nié l’affaire, la chaîne Telegram du maire a tout de suite publié un document juridique attestant la véracité des faits. Et lorsque M. Ghalibaf accusait M. Rohani de ne pas avoir respecté ses promesses électorales, la chaîne du chef de l’Etat revenait à la charge, graphes et chiffres à l’appui.

D’ailleurs, le message vidéo de l’ancien président réformateur Mohammad Khatami (1997-2005), qui a apporté son soutien à Hassan Rohani, n’a été relayé que sur Telegram, M. Khatami étant interdit d’être cité dans les médias officiels.

Tous les candidats sont également présents sur Instagram, où ils partagent leurs vidéos de campagne et celles des stars du cinéma et du monde des sports prenant position en leur faveur. Pour la première fois, les meetings d’Ebrahim Raisi et de Hassan Rohani ont été diffusés en direct sur ce réseau social, attirant chaque minute des dizaines de milliers de visiteurs.

« #Bye_Bye_Rohani » sur Twitter

Ce jeudi, la chaîne d’Ebrahim Raisi a publié des vidéos compilant des morceaux de discours de Hassan Rohani pendant sa présidence, censées mettre en évidence ses supposés « mensonges ». Dans le but de dissuader les gens d’aller voter pour lui, la chaîne a également publié une vidéo datant de 1979 de l’actuel président parlant devant les parlementaires au début de la révolution, vidéo dans laquelle il appelle à la pendaison en public des opposants à la toute jeune République islamique d’Iran – une contre-attaque contre ceux qui reprochent à Ebrahim Raisi son passé de procureur général.

La chaîne de Hassan Rohani, elle, essaye de mobiliser les abstentionnistes, en leur demandant d’imaginer l’annonce du nom d’Ebrahim Raisi comme le vainqueur de la présidentielle. « Ne restez donc pas à la maison ce vendredi et votez ! », peut-on lire sur cette chaîne.

Sur Twitter aussi, bloqué en Iran mais accessible par des logiciels antifiltrage, les soutiens des deux camps s’affichent de plus en plus confiants. « Qui serait un meilleur président que Raisi, qui comprend bien le peuple et qui propose des solutions ? #Bye_Bye_Rohani », écrit Borna, un utilisateur du réseau social.

A entendre les électeurs, démêler le vrai du faux dans ce grand brouhaha est devenu un vrai casse-tête. « Je fais confiance à mes proches, pas aux réseaux sociaux », explique Seveda, présente à un meeting d’Ebrahim Raisi à Téhéran.

Selon le ministère de l’intérieur, les résultats du scrutin seront annoncés samedi ou dimanche. La confrontation des deux camps, elle, est loin d’être terminée.