Un partisan de l’actuel président iranien, Hassan Rohani, à Téhéran, le 17 mai. | Vahid Salemi / AP

Après le retrait des candidatures du maire conservateur de Téhéran, Mohammad Bagher Ghalibaf, lundi 15 mai, et du vice-président, Eshagh Jahangiri, mardi soir, seuls deux candidats ont une réelle chance d’emporter la présidence iranienne de vendredi : l’actuel président, Hassan Rohani, et son rival conservateur, Ebrahim Raisi.

Les deux autres candidats également en lice, l’ancien ministre des sports, Mojtaba Hachémi-Taba, pour les réformateurs, et le conservateur Mostafa Mirsalim, obtiennent à peine 1 % des intentions de vote chacun. M. Hachémi-Taba a appelé à voter pour M. Rohani.

Dès avant le vote de vendredi 19 mai, l’élection présidentielle a déjà produit un résultat : au fil de la campagne, tous les candidats, autant ceux qui se sont désistés que MM. Rohani et Raisi, se sont engagés à défendre l’accord international sur le nucléaire, signé en juillet 2015.

Le président américain, Donald Trump, avait également assumé cet héritage peu après sa prise de fonctions, en janvier, sans pour autant cesser de le critiquer : il affirmait encore le 20 avril que l’Iran respectait formellement l’accord nucléaire, mais qu’il en violait l’esprit. Ces critiques ont pu décider les conservateurs à mesurer leurs propres attaques, afin de ne pas affaiblir le « deal » nucléaire.

  • L’ouverture économique en question

Les candidats divergent cependant sur le bilan du « deal » et sur les suites à lui donner. M. Raisi estime que le président Rohani ne s’est pas montré assez ferme « pour encaisser ce chèque ». Les grandes banques internationales ne se sont pas réengagées en Iran : elles craignent les sanctions américaines toujours en place et constatent que leurs homologues iraniennes n’appliquent pas les normes internationales et sont lestées de mauvaises dettes.

Les exportations de pétrole ont repris, mais elles n’ont pas créé d’emploi ni de revenu pour les ménages. L’industrie automobile se relance grâce au retour de Renault et de Peugeot dans le pays, mais l’investissement domestique demeure faible : les banques ne prêtent pas et le gouvernement manque de liquide. L’inflation est maîtrisée, mais le chômage a augmenté sous le mandat de M. Rohani, et un million de personnes sont encore passées sous le seuil de pauvreté durant l’année fiscale 2015-2016, pour un total de plus de 8 millions de personnes.

M. Rohani espère des investissements étrangers dans les infrastructures du pays, vieillissantes, qui pourraient tarder. Il est pour l’heure le garant du statut quo – ni isolement, ni franche reprise économique – et affirme que la fermeté affichée par ses rivaux face aux Etats-Unis précipiterait un retour aux années de sanctions internationales.

  • La succession du guide suprême en vue

La candidature de M. Raisi a fait émerger dans la campagne présidentielle un enjeu de plus long terme : la succession du guide suprême, Ali Khamenei, en fonction depuis 1989 et âgé de 77 ans. M. Raisi, qui dirige à Machhad (est) la fondation du mausolée de Reza, le huitième imam des chiites, est perçu comme un candidat potentiel. S’il était élu à la présidence au suffrage universel, le 19 mai, ses chances d’accéder à la magistrature suprême se verraient accrues.

Le président joue un rôle important dans cette succession. Selon l’article 111 de la Constitution iranienne, adopté après la mort en 1989 du fondateur de la République islamique, l’ayatollah Khomeyni, le président assume la transition, en concile avec le chef de l’institution judiciaire et un membre du Conseil des gardiens – un organe de supervision de la vie politique. Ce concile jouera un rôle dans les tractations en marge de l’Assemblée des experts, un corps clérical chargé de nommer le futur guide.

  • Le risque de l’abstention

Hassan Rohani avait été élu en 2013, dès le premier tour, en rassemblant des voix à travers tout le pays – il était majoritaire dans la ville de Machhad, le fief conservateur de M. Raisi. Il avait bénéficié de la mobilisation relative des grandes villes, des classes moyennes ainsi que des minorités ethniques et religieuses (kurdes, turkmènes, baloutches, les sunnites représentant environ 15 % de la population).

Cependant, M. Rohani n’est pas assuré, quatre ans plus tard, de bénéficier du même élan populaire. En campagne, il s’est attaché à remobiliser un électorat soucieux de libertés civiles et de stabilité économique. Il espère un fort taux de participation afin de ne pas subir, s’il est élu, l’affaiblissement que lui promettent les conservateurs durant son second mandat.

Iran : les enjeux du scrutin présidentiel

Face à lui, M. Raisi dispose d’un large électorat captif : des fonctionnaires, une partie des Iraniens pieux et des forces armées, ainsi que la milice bassidji qui leur est affiliée, et les classes populaires dépendantes du système d’aides sociales mis en place sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad (2005-2009).

Ces aides ont favorisé l’inflation, mais elles ont réduit la pauvreté et les inégalités durant les années de crise. M. Raisi promet de les augmenter. Cependant, M. Raisi n’est pas assuré de mobiliser cet électorat, qui ne voit pas la crise économique finir et qui est à son tour tenté par l’abstention. Pour le guide, c’est là le principal enjeu, un fort taux de participation étant le garant de la légitimité populaire du régime.