C’est une polémique qui a opposé deux grands acteurs médiatiques en République démocratique du Congo (RDC). D’un côté, le docteur Denis Mukwege et sa Fondation Panzi, rendus célèbres pour leur prise en charge des victimes de violences sexuelles. De l’autre, la Mission de l’organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco), déployée depuis 1999. Deux figures la lutte contre la guerre qui sévit depuis plus de vingt ans dans la province du Sud-Kivu.

Le 9 mai, Denis Mukwege, dans le journal La Croix, dénonçait l’interruption de sa protection par la Monusco. Il alertait aussi sur les dangers pesant sur la Fondation Panzi, qui abrite un hôpital spécialisé où se rendent de nombreuses femmes menacées pour leur témoignage. Cette protection militaire permanente lui avait été allouée par l’ancien chef de la Monusco Martin Kobler, à la suite d’une tentative d’assassinat du médecin à son domicile, le 25 octobre 2012.

Des casques bleus autour de l’hôpital

Ces mesures ont été restreintes en septembre 2015, lorsque Maman Sambo Sidikou a succédé à Martin Kobler. Depuis lors, Denis Mukwege, âgé de 62 ans, bénéficiait d’une escorte uniquement lors de ses déplacements. La protection de la Fondation Panzi revenait à la police congolaise ainsi qu’à une société de sécurité privée dont les éléments ne sont pas armés.

Mise en difficulté, la Monusco a réagi à coups de tweets et de communiqués. Avec quelques couacs au départ : son porte-parole, Charles-Antoine Bambara, déclara qu’aucune menace ne pesait sur Denis Mukwege et que sa protection n’avait aucunement été modifiée. Il ajoutait même qu’une escorte était maintenue « en dépit des contraintes, dont les déploiements en cours dans le Kasaï », les provinces où, depuis août 2016, de violents affrontements opposent les forces de sécurité aux miliciens Nsapu.

Ces déclarations ont déclenché la fureur de la Fondation Panzi, qui a démenti ces informations par un communiqué sans ambiguïté et contraint la Monusco à rectifier le tir. Depuis le 15 mai, des casques bleus sont donc à nouveau postés autour de l’hôpital, « que le docteur Mukwege ne quitte plus », explique un de ses collègues joint par téléphone. « Nous allons voir si cette protection permanente est nécessaire sur le long terme », a toutefois précisé le porte-parole de la Monusco.

Si la polémique semble éteinte, l’alerte de Denis Mukwege, régulièrement opposé au régime congolais, s’est ajoutée aux nombreuses critiques dont la Monusco fait l’objet. Maman Sambo Sidikou vient de relancer sa « mission de bons offices » auprès des partisans du président de la République, Joseph Kabila, et de l’opposition. Les deux parties multiplient les tensions depuis la signature, le 31 décembre 2016, d’un accord prévoyant des élections fin 2017 et repoussant le départ du chef de l’Etat, dont le dernier mandat s’est officiellement terminé le 19 décembre.

« L’inefficacité » de la Monusco

Dans un rapport publié en avril 2016, l’Institut français des relations internationales (IFRI) jugeait très sévèrement le bilan de la Monusco, créée en 1999 : « Du fait de son inefficacité, écrivaient ses auteurs, elle apparaît à certains [dont l’opposition] comme participant à la pérennisation du régime Kabila et au recul de l’agenda démocratique tandis que, pour d’autres, elle n’est plus qu’un observateur particulièrement coûteux des développements politiques et sécuritaires congolais. »

« La menace reste, s’accroît et est permanente », prévenait la Fondation Panzi avant le retour des casques bleus devant ses murs. Preuve en est la mort de Gildo Byamungu, proche de Denis Mukwege et engagé comme lui dans la lutte contre l’impunité des viols. Dans la nuit du 13 au 14 avril, ce médecin de l’hôpital d’Uvira, ville proche de la frontière burundaise, a été gravement blessé par balles dans sa propriété. Il est mort alors que ses proches l’emmenaient se faire soigner au Burundi. L’enquête sur cet assassinat n’a pas abouti et l’unique gynécologue obstétricien d’Uvira n’a pas été remplacé.