Daniel Zhang, PDG d’Alibaba, en novembre 2016, à Shenzhen, dans le sud de la Chine. | Bobby Yip / REUTERS

Alibaba n’en finit pas de croître. Le numéro un chinois du commerce en ligne a vu ses revenus augmenter de 56 % pour atteindre 158,27 milliards de yuans (20,6 milliards d’euros), à en croire ses résultats publiés jeudi 18 mai et portant sur les douze mois précédant le 31 mars 2017. De quoi répondre à son principal rival en Chine, Tencent Holdings, qui avait communiqué la veille des résultats aussi encourageants, avec des revenus en hausse de 55 %.

Si la vente en ligne reste le cœur d’activité d’Alibaba, la première capitalisation boursière chinoise se définit désormais comme un « groupe de données », et plus seulement comme une plate-forme de vente. Une direction claire pour le groupe de Jack Ma, l’homme le plus riche de Chine, qui cherche à développer les nouvelles branches de l’entreprise comme le cloud, l’intelligence artificielle ou le divertissement.

Le premier trimestre s’est révélé particulièrement positif : les revenus du groupe ont augmenté de 60 % par rapport au premier trimestre 2016, et ses profits nets ont presque doublé. En revanche, sur l’année fiscale se terminant le 31 mars, les profits accusent un recul de 39 % en raison d’un mauvais début d’année.

  • La vente en ligne tire les profits du groupe

Pour l’instant, c’est toujours la vente en ligne qui représente l’écrasante majorité des revenus du groupe. Alors que les revenus globaux sont tirés par une série d’acquisitions, ceux issus de ses plates-formes de vente ont progressé de 41 %. Dans le même temps, les ventes en ligne de biens de consommation ont progressé de 26 % en Chine, et les achats en ligne de 13 %, selon le Bureau national des statistiques. Sur la même période, les ventes au détail n’augmentaient que de 10,9 % (contre 9,6 % sur l’année 2016).

Environ 80 % du e-commerce en Chine passe par le groupe de Jack Ma.

Environ 80 % du e-commerce en Chine passe par le groupe de Jack Ma, qui est à la tête de trois plates-formes populaires : Alibaba, qui met en relation des entreprises, clients d’un côté et fournisseurs de l’autre. Taobao ensuite, la première plate-forme de Chine, où n’importe qui peut ouvrir un magasin en ligne. On y trouve tout, y compris beaucoup d’imitations. Tmall, enfin, une plate-forme où seules les marques établies peuvent vendre des produits.

  • La gestion des données, un point fort à exploiter

Mais Alibaba est désormais plus qu’un site de vente, et compte sur ses autres secteurs d’activité pour continuer à s’étendre. Car d’après ses dirigeants eux-mêmes, le marché chinois de la vente en ligne arrive à maturité. A long terme, c’est l’écosystème mis en place par Alibaba qui fait sa force.

« Pour nous, le point fort du groupe, c’est sa collection exceptionnelle de données. Il possède une quantité de données considérables sur ses 507 millions d’utilisateurs : leurs habitudes de consommation, leur démographie et leurs goûts en matière de divertissement grâce à sa branche média, le tout lié par Alicloud, et assemblé sous un seul identifiant utilisateur. La manière d’utiliser ces données pour améliorer ses algorithmes – afin de donner aux utilisateurs une expérience personnalisée, et aux marques une analyse précieuse de leurs clients – n’en est qu’au commencement », analysaient les experts de la banque HSBC dans une note publiée vendredi 19 mai.

La branche « Alibaba cloud » a enregistré une progression record de 175 % de ses revenus au premier trimestre par rapport à l’année précédente. Le service revendique 874 000 clients mettant la main au portefeuille. De quoi dominer largement le marché chinois, même si cette branche ne rapporte pas encore d’argent. Outre les services de stockage classique, Alibaba met l’intelligence artificielle à la portée des entreprises, en offrant différents services d’analyse de données pour l’organisation de la production industrielle, l’amélioration de son efficacité énergétique ou l’exploitation de ses fichiers clients.

  • Investissement dans les commerces physiques

Autre marge de progression : la pierre. Paradoxalement, le champion du commerce en ligne investit depuis quelques années dans les commerces physiques. Depuis 2015, Alibaba a pris des parts dans Suning, une chaîne de magasins d’électroménager chinois, et Sanjiang, une chaîne de petits supermarchés. En février, Alibaba est passé à la taille supérieure en signant un partenariat avec Bailian, qui compte 4 700 enseignes de supermarchés, épiceries, pharmacies, dans 200 villes de Chine. Alibaba espère améliorer les profits de ces entreprises, là encore en mettant son expertise en matière de big data au service de ces opérateurs traditionnels.

  • La branche média et divertissement déçoit

L’entreprise de diversification d’Alibaba n’est pas un long fleuve tranquille pour autant. Sa branche média et divertissement a enregistré 1,7 milliard de yuans (220 millions d’euros) de pertes au premier trimestre. La plate-forme vidéo Youku Tudou, acquise pour 4,2 milliards de dollars (3,7 milliards d’euros) fin 2015 (dont 3,67 milliards de dollars deboursés par Alibaba, qui en détenait déjà 18 %), est en difficulté par rapport à ses concurrents chinois détenus par Baidu et Tencent. Alibaba prévoit d’investir plus de 7 milliards d’euros sur les trois années à venir dans la création de contenus originaux, pour faire de Youku une sortie de Netflix chinois.

Alipay à la conquête de l’Ouest

En avril dernier, « Yu’e bao » devenait le premier fond monétaire (money market fund) au monde, avec l’équivalent de 165,6 milliards de dollars de dépôts, soit plus que le fond « JPMorgan’s US government money market fund ». Le fond, dont le nom signifie  « trésor laissé de côté », n’existe que depuis quatre ans, mais avec près de 4 % d’intérêt offert aux utilisateurs d’Alipay, contre moins d’1% pour les banques chinoises traditionnelles, la branche financière d’Alibaba, première plateforme de paiement mobile en Chine (en montant), a vite trouvé ses clients. Ils seraient près de 300 millions aujourd’hui, dont la plupart ont moins de trente ans.

Le géant chinois du commerce en ligne aimerait désormais acheter Moneygram, entreprise américaine spécialisée dans les transferts d’argent. S’il réussi cette acquisition, Alipay, déjà présent dans nombre de centre commerciaux haut de gamme du monde entier, pour attirer les touristes chinois, pourrait se lancer à la conquête de l’Amérique.