Manifestation contre la corruption, la répression et le chômage dans la ville d’Al-Hoceima, dans le nord du Maroc, vendredi 18 mai 2017. | THERESE DI CAMPO/AFP

Une nouvelle manifestation s’est déroulée, jeudi 18 mai après-midi, à Al-Hoceima, ville de la région du Rif, dans le nord du Maroc, théâtre depuis des mois d’un mouvement de contestation populaire. Aux cris de « Vive le Rif », « Non à la militarisation ! », ou dénonçant la « corruption » de l’Etat, des milliers de personnes se sont rassemblées en fin d’après-midi sur la place du centre-ville, selon des images diffusées en direct sur les réseaux sociaux.

« Etes-vous un gouvernement ou un gang ? », proclamait une banderole, en forme de principal mot d’ordre du jour. Soulignant le caractère « pacifique » de leur lutte, les manifestants, dont certains brandissaient des drapeaux amazigh ou de l’éphémère république du Rif proclamée dans les années 1920, ont ensuite marché dans la ville, avant de se rassembler de nouveau sur la place principale où le leader du mouvement, Nasser Zefzafi, a longuement harangué la foule.

Celui-ci a dénoncé pêle-mêle la « corruption » de l’exécutif et des politiciens locaux, les « mafias » locales, « l’esprit de répression » de l’Etat et de ses services de renseignement qui « manipulent les institutions », la « présence massive » des militaires dans la ville, le « sous-développement » de la région, le nouveau gouvernement islamiste. S’en prenant au gouverneur local, il a une nouvelle fois rejeté les accusations de séparatisme, exigé la « libération » de militants de sa mouvance et la « démilitarisation » de la province, citant au passage des versets du Coran, alors que des jeunes filles ont psalmodié des prières en conclusion de son discours.

Un rassemblement sans incident

Le rassemblement s’est déroulé sans incident, et s’est dispersé vers 22 heures, heure locale, selon des sources concordantes. Les protestataires étaient près de 5 000, dont la moitié était des mineurs et une majorité venait de l’extérieur de la ville et même de la province, selon les autorités locales. Interrogé par l’AFP, un proche de Nasser Zefzafi a affirmé qu’ils étaient « jusqu’à 200 000 ».

Dans la région du Rif, réputée frondeuse et conservatrice, la province d’Al-Hoceima est le théâtre de manifestations récurrentes depuis la mort, fin octobre 2016, d’un vendeur de poisson broyé accidentellement par une benne à ordures. L’incident avait suscité l’indignation dans le pays, qui a pris la forme à Al-Hoceima d’un mouvement plus social et politique. Mené par un groupe de militants locaux, le hirak (la mouvance) pose de nombreuses revendications pour le développement du Rif, qu’il estime marginalisé.

L’Etat de son côté met en avant les importants efforts financiers consentis ces dernières années, et a multiplié les annonces en faveur de l’économie locale. Le ton s’est néanmoins durci ces dernières semaines. Via les réseaux sociaux, les militants du hirak ont multiplié les paroles de défiance et les harangues contre la « répression » du pouvoir, tandis que l’exécutif a dénoncé leurs « intox » et annoncé une prochaine riposte judiciaire.

La situation à Al-Hoceima a été débattue « de manière profonde » jeudi au cours d’un conseil de gouvernement, avec un exposé du ministre de l’intérieur, a par ailleurs rapporté l’agence officielle MAP. Le gouvernement a réaffirmé à cette occasion sa volonté de répondre aux « revendications légitimes des citoyens », tout en « préservant la sécurité » et en faisant preuve de « vigilance à l’égard de certains comportements qui visent à créer un climat de blocage social et politique ».