Une affiche de bienvenue en l’honneur de Donald Trump, à Jérusalem le 19 mai 2017, quelques jours avant sa visite en Israël. | THOMAS COEX / AFP

Les heures s’étirent, la tension monte et une étrange impression d’improvisation domine. Alors que Donald Trump est attendu à Jérusalem, lundi 22 mai, la droite israélienne est saisie de fébrilité. Elle n’est pas seulement due à la confusion dans laquelle se sont déroulés les préparatifs. L’optimisme qui a escorté l’arrivée au pouvoir du magnat de l’immobilier paraît loin. L’inquiétude principale prend source dans la volonté du président américain de relancer un processus politique entre Benyamin Nétanyahou et Mahmoud Abbas. Cela signifie que les rêves expansionnistes du camp national religieux devront être, un temps, contenus.

M. Trump a certes nommé comme nouvel ambassadeur David Friedman, un opposant de la solution à deux Etats. Arrivé le 15 mai, celui-ci a tenu à rassurer le gouvernement, dans un entretien au quotidien Israel Hayom : aucun gel des colonies ne sera exigé par Washington; aucun plan ou feuille de route ne sera imposé. En revanche, M.Trump n’a pas confirmé le déménagement de l’ambassade vers Jérusalem, promis pendant sa campagne.

Cette mesure « corrigerait une injustice historique », a prétendu le bureau du premier ministre israélien, qui a pris une initiative inhabituelle. Il a publié des extraits de ses entretiens officiels à Washington à la mi-février pour répondre au tweet d’un journaliste de la chaîne Fox News. Ce dernier avait affirmé que c’était M. Nétanayhou lui-même qui avait demandé à Donald Trump de ne pas déménager l’ambassade dans l’immédiat.

Cette nervosité du premier ministre est due à la fois à l’imprévisibilité du président américain et aux tensions au sein de sa propre coalition. Ne voulant pas apparaître comme un médiateur partisan, Donald Trump semble épouser la ligne Obama, honnie par la droite israélienne. « Il est revenu à la politique traditionnelle de Washington sur le conflit, note un diplomate israélien, avec en plus des intérêts financiers qui pèsent lourds, si on pense au contrat d’armement de 100 milliards de dollars signé avec les Saoudiens. Ça en fait des jobs ! »

« Une ouverture nouvelle »

Si on ajoute à cela le front commun présenté par les Palestiniens, les Egyptiens et les Jordaniens, Israël se retrouve face à ses responsabilités d’occupant. L’équation est complexe. Pour l’heure, M. Nétanayhou semble surtout prêt à consentir des gestes économiques en faveur des Palestiniens. Ancienne ministre des affaires étangères, Tzipi Livni a dîné, à la fin du mois de mars, avec l’envoyé spécial de Donald Trump, l’avocat Jason Greenblatt. « Ils sont en mode écoute, explique-t-elle. Il existe une ouverture nouvelle, avec ce président qui veut un accord, les dirigeants palestiniens qui veulent des négociations et ont levé certains obstacles, et une énorme possibilité dans le monde arabe, où le défi le plus problématique est l’Iran. »

Tzipi Livni avait conduit les négociations avec les Palestiniens jusqu’au printemps 2014. A l’époque, un document cadre avait été validé, sous l’égide du secrétaire d’Etat américain John Kerry. Il fixait les grands principes pour toute négociation finale sur les sujets clés : les frontières, les réfugiés, la sécurité, les colonies ou encore Jérusalem. Tzipi Livni considère que « ce document cadre peut aussi servir pour les négociations aujourd’hui ». L’ex-ministre de M. Nétanyahou estime qu’il ne peut utiliser sa coalition comme excuse pour ne rien faire. « Une majorité, dans la population comme à la Knesset, soutiendra un accord reposant sur l’idée de deux Etat pour deux peuples. »

M. Nétanyahou, sous la pression de la droite nationale religieuse, s’évertue à donner des gages à celle-ci , tout en repoussant certains projets comme l’annexion de la colonie de Maale Adoumim. Le premier geste concerne les constructions dans les colonies à Jérusalem-Est. Les restrictions qui pesaient depuis des années seront largement levées, a-t-il promis. Le ministère du logement et de la construction a présenté, avec la mairie de Jérusalem, un plan massif : près de 28 000 logements projetés sur dix ans.

Comme toujours, il faudra mesurer l’écart entre les annonces et les réalisations futures. Plus de la moitié (15 000) sera dans des quartiers au-delà de la ligne verte de démarcation. Le montant total de ce plan s’élève à cinq milliards de shekels (1,3 milliard d’euros). « Il n’y a pas de pressions du gouvernement américain au sujet des constructions à Jérusalem », assure le maire de la ville, Nir Barkat.

Dossier controversé

Le second chantier, très controversé, est le projet de loi définissant l’Etat d’Israël comme « le foyer national du peuple juif », qui ne risque pas de contrarier Washington. Présenté par le député (Likoud) Avi Dichter, il a été adopté en lecture préliminaire à la Knesset (Parlement), le 10 mai. Il stipule que la capitale d’Israël est Jérusalem et que la seule langue d’Etat est l’hébreu, l’arabe étant relégué au rang de statut spécial.

« Je suis très optimiste, dit Avi Dichter. Ce texte n’a rien à voir avec le conflit, la Judée-Samarie [nom biblique de la Cisjordanie] ou Gaza, mais avec notre peuple et notre terre. Je ne crois pas qu’il y aura de changement significatifs. J’espère que le texte sera adopté pendant cette session, d’ici à la fin juillet. » Dans ce cas, il deviendrait la douzième loi fondamentale, la plus haute valeur possible, en l’absence de Constitution.

Avi Dichter avait déjà mis en avant un texte similaire en 2011, alors qu’il était un élu de l’opposition. Puis le sujet était revenu à la fin 2014, promu par Benyamin Nétanyahou lui-même. Mais deux de ses ministres influents, Yaïr Lapid et Tzipi Livni, s’y étaient vigoureusement opposés, et des élections anticipées avaient été convoquées. Cette fois, le premier ministre appelle tous les « partis sionistes » à voter le projet de loi. « Nétanyahou soutient totalement le texte, oralement et dans les actes », estime Avi Dichter.