Pierre Coffin et Chris Renaud lors de la première américaine de "Moi, moche et méchant 2". Californie - 2013 | MARK DAVIS / AFP

Après des études de cinéma à la Sorbonne, Pierre Coffin est entré à l’école des Gobelins en 1990. C’est ici qu’il a eu sa « révélation » pour le cinéma d’animation. Après un passage par le studio londonien Amblimation de Steven Spielberg et le français ExMachina en tant qu’animateur puis directeur d’animation, il a coréalisé avec Chris Renaud Moi, moche et méchant. Connus dans le monde entier, ses « minions » ne sont pas nés à Hollywood, mais dans le 15e arrondissement de Paris (Illumination Mac Guff).

On parle régulièrement des Gobelins comme le fleuron de la French touch en matière d’animation. De quoi s’agit-il ?

Je crois qu’il existe une culture très française de la bande dessinée qu’on retrouve aux Gobelins, mais aussi dans d’autres écoles. Avec mes camarades de promo, nous avions les mêmes dessinateurs fétiches, les mêmes goûts artistiques. Cette culture BD n’existe pas dans tous les pays. Nous la partageons avec l’Espagne, par exemple. Elle donne aux personnages animés des poses plus fortes, une animation très expressive, avec un potentiel émotionnel plus intense. Inconsciemment, cela doit ressortir dans nos films.

Comment se porte le cinéma d’animation français ?

Pour les animateurs, il y a énormément de travail dans les studios français depuis quelques années. Ce qui est bien, car cela fournit plein de travail à des talents français. Mais paradoxalement, je ne vois pas énormément de grosses productions françaises en sortir. Je me l’explique, entre autres, par le fait que beaucoup d’entre eux travaillent en fait sur des productions américaines.

Pour les étudiants sortant d’école, l’étranger est-il le passage obligé ?

Non. Il y a une demande assez forte en France, mais il est vrai que les entreprises cherchent les perles rares, ou les personnes avec un potentiel fort. Sortir d’école, cela veut bien dire ce que ça veut dire : il reste parfois une partie de l’apprentissage à faire, une maturité à acquérir. Régulièrement, des chasseurs de têtes viennent dans les écoles et proposent aux meilleurs de partir travailler chez eux.

Quelle est la part de Français dans vos équipes ?

95 % des membres de nos équipes sont français. Mais nous sommes aussi obligés de recruter à l’étranger, car il y a beaucoup de juniors sur le marché français. Parmi eux, nous avons parfois du mal à trouver assez de gens talentueux. Car ces derniers, comme déjà dit, sont souvent tentés par une expérience à l’étranger, en Espagne ou au Canada notamment.

A titre d’exemple, pour une production comme Moi, moche et méchant, il nous faut au moins 80 animateurs. Si on y ajoute tous les autres corps de métiers (spécialistes de la lumière, de la texture, etc.), cela fait près de 300 personnes. Nous recrutons aux Gobelins, mais pas que : à Supinfocom Valenciennes, à l’école Georges-Méliès d’Orly, et dans d’autres écoles françaises on trouve chaque année des profils intéressants.

Comment les sélectionnez-vous ?

Un bon animateur est un animateur passionné. Quand j’étais aux Gobelins, j’avais bien sûr des exercices avec l’école : films de fin d’études, etc. Mais quand je rentrais chez moi, je travaillais sur mon propre projet, avec passion. Lors d’un entretien, si je vois que la personne est passionnée par ce qu’elle nous montre, ce qu’elle raconte, c’est cet élément qui sera déclencheur pour l’embauche. Il y a la maîtrise technique, bien sûr, mais il faut la chose humaine en plus. Savoir raconter une histoire n’est pas donné à tout le monde.