«Le succès du président dans la lutte contre les extrêmes dépendra de sa capacité à affronter les problèmes conduisant les gens à un vote protestataire ». (Photo : le président Emmanuel Macron et son premier ministre Edouard Philippe à la sortie de la photo de famille après le premier conseil des ministres). Au Palais de l’Elysée, à Paris, le jeudi 18 mai). | Philippe Wojazer / AP

TRIBUNE. Après l’élection présidentielle française, le soulagement est grand. Mais si Emmanuel Macron a remporté une large victoire, les extrêmes sont loin d’avoir été définitivement évincés du paysage politique. L’avenir de partis tels que le Front National dépendra avant tout de la réussite de M. Macron à mettre en place son programme réformateur et à convaincre les électeurs qu’ils ont fait le bon choix.

Toutefois, d’autres facteurs sont à prendre en compte comme l’attitude d’une nouvelle génération d’électeurs en France ; la répartition démographique des votes au second tour révèle certaines tendances surprenantes et exige une analyse plus approfondie.

M. Macron a reçu un soutien particulièrement fort des électeurs les plus âgés : il a obtenu 70 % des voix des 60-69 ans et 78 % des plus de 70 ans. Marine Le Pen a, quant à elle, enregistré son meilleur score auprès des 25-34 ans et des 35-49 ans, avec respectivement 40 % et 43 % des voix. Certes, le vote des 18-24 ans s’approche de la moyenne nationale (66 % pour M. Macron, 34 % pour Mme Le Pen) ; mais les sondages Ifop effectués plus tôt cette année donnaient à Marine Le Pen près de 40 % des voix de cette tranche d’âge, bien plus que n’importe quel autre candidat à cette époque.

Pessimisme et insatisfaction

Ces résultats amènent à nous interroger sur l’état politique dans lequel se trouvera la France dans cinq ans. L’attrait de Mme Le Pen auprès des jeunes Français a généré une forte couverture médiatique, les jeunes ne percevant pas toujours les débats politiques comme une opposition traditionnelle entre la gauche et la droite. Certains arguent de la frustration croissante des jeunes face à leurs perspectives économiques, et considèrent le soutien à Marine Le Pen comme un vote contre un système dont le fonctionnement est jugé obsolète.

Il est donc essentiel de comprendre la manière dont les jeunes appréhendent les questions politiques. Quelles raisons les poussent à voter FN ? Quels sont les problèmes plus généraux rencontrés par la société française ?

Un élément intéressant observé durant les élections réside dans les sondages pour le second tour réalisés par Ipsos, les sympathisants de Marine Le Pen étaient bien plus pessimistes face à leur avenir que ceux d’Emmanuel Macron. Le pessimisme et l’insatisfaction particulièrement répandus chez les jeunes Français semblent expliquer leur attrait pour les partis politiques les plus extrêmes.

A première vue, le bilan paraît toutefois positif : l’OCDE a récemment publié un rapport mondial sur le bien-être et l’attitude des adolescents de 15 ans, où l’on observe que les jeunes Français se classent au sixième rang des enfants les plus satisfaits de leur vie parmi 35 pays de l’OCDE, et au quinzième rang sur 72 pays membres et partenaires de l’OCDE.

Cette image positive est contrebalancée par d’autres études comme le rapport Génération Z : Enquête sur la citoyenneté mondiale, un sondage publié par la Varkey Foundation sur la vision du monde des jeunes de 15 à 21 ans dans vingt des plus grands pays ; cette étude, bien plus critique, soulignent plusieurs sujets de préoccupation.

L’enquête révèle, en premier lieu, que les jeunes Français – aux côtés de la jeunesse turque et italienne –, sont, parmi les vingt pays étudiés, les plus pessimistes quant à leur avenir. Près de 53 % des jeunes Français pensent que le monde devient plus menaçant, contre 6 % seulement.

Redonner confiance aux jeunes Français

L’étude examine d’autres sujets plus spécifiques. Il en ressort que, bien que les jeunes Français aient généralement une approche très internationaliste, la question de l’immigration légale les divise à parts égales : seuls 27 % d’entre eux estiment que l’immigration légale doit être simplifiée, tandis que 26 % penchent pour l’inverse. Ce soutien à l’immigration légale est plus faible que dans n’importe quel autre pays occidental étudié, et les résultats d’enquêtes ont montré à chaque fois que l’immigration représentait un élément clé pour les sympathisants de Marine Le Pen.

Par ailleurs, interrogés sur les facteurs leur faisant craindre l’avenir, 81 % des jeunes évoquent « l’extrémisme et le terrorisme mondial », à l’instar de nombreux autres pays. L’on peut supposer que de tels sujets de préoccupation pourraient rendre plus probable le soutien pour des positions politiques extrêmes.

Toutefois, l’on constate que la plupart des jeunes Français ne virent pas à droite concernant les questions sociales : notre enquête a montré qu’ils avaient des opinions plus progressistes que la moyenne au sujet du mariage entre personnes de même sexe, de l’égalité des sexes et de l’avortement médicalisé.

Si le tableau qui en résulte est donc grave, il n’en est pas moins optimiste pour M. Macron : le succès du président dans la lutte contre les extrêmes dépendra de sa capacité à affronter les problèmes conduisant les gens à un vote protestataire. Pour remporter les prochaines élections, il devra montrer que les problèmes économiques de la France peuvent être résolus, et de quelle manière y parvenir. Mais il devra aussi s’efforcer de redonner confiance aux jeunes Français.