Un homme a déclenché une charge explosive qu’il portait sur lui, tuant au moins vingt-deux personnes à l’issue d’un concert de la chanteuse Ariana Grande à Manchester, lundi 22 mai. | ANDREW YATES / REUTERS

La campagne électorale pour les élections législatives anticipées du 8 juin battait son plein quand est survenue, lundi 22 mai au soir, l’explosion de l’Arena de Manchester, qui a causé la mort d’au moins vingt-deux personnes.

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Dès l’annonce du drame, la première ministre, Theresa May, a suspendu la campagne du Parti conservateur et annoncé qu’elle tiendrait mardi matin une réunion de la cellule gouvernementale d’urgence « Cobra » où devaient être examinées les suites à donner à l’événement.

« Nous travaillons pour établir tous les détails sur les événements de ce qui est traité par la police comme une épouvantable attaque terroriste, a déclaré Mme May qui a elle-même occupé les fonctions de ministre de l’intérieur de 2010 à 2016. Toutes nos pensées vont aux victimes et aux familles de ceux qui ont été touchés. » Pour la première ministre, qui cultive son image de femme d’autorité à l’approche du début des négociations sur le Brexit, prévu à la mi-mai, l’attentat de Manchester constitue la première lourde épreuve depuis son arrivée au pouvoir au lendemain du référendum du 23 juin 2016.

Suspension de la campagne

Le chef de file travailliste, Jeremy Corbyn, lui aussi en pleine campagne, a tweeté vers 1 heure du matin : « Terrible attentat à Manchester. Mes pensées vont à ceux qui sont affectés et à nos excellents services d’urgence. » Il se trouve que, depuis les élections locales du 4 mai, l’agglomération du « grand Manchester » est dotée d’un maire élu directement. « Une terrible nuit pour notre formidable ville, a déclaré ce dernier, le travailliste Andy Burnham, ancien candidat à la direction du parti contre M. Corbyn en 2015. Mon cœur est avec ceux qui ont perdu des êtres aimés, mon admiration au courage de nos services de sécurité. »

Tous les leaders de la campagne électorale ont exprimé leur émotion et suspendu leur campagne. Le lib-dem Tim Farron a dénoncé « un attentat choquant et horrible visant des enfants et des jeunes qui ne faisaient qu’apprécier un concert ». De son côté, Nicola Sturgeon, première ministre d’Ecosse et leader du Parti national écossais (SNP, indépendantiste), a évoqué un « attentat barbare ».

L’attentat de Manchester survient à un moment très particulier de la campagne électorale, dix-sept jours avant le vote de ces législatives anticipées décidées par Mme May le 18 avril, alors que l’échéance normale était fixée à 2020. Theresa May met en avant son leadership « fort et stable » pour rallier les électeurs autour des candidats conservateurs en promettant d’user de son autorité pour obtenir le « meilleur accord [de Brexit] pour la Grande-Bretagne » avec l’Union européenne. Mais lundi, quelques heures avant le drame, elle avait été contrainte de négocier un spectaculaire virage sur l’aile sur une promesse phare du programme électoral lancé quatre jours plus tôt.

Les conservateurs favoris des élections

La première ministre britannique, qui jouit d’une forte avance dans les sondages, avait cru pouvoir promettre, au nom de la justice sociale, une mesure impopulaire parmi les retraités des classes moyennes, au cœur de l’électorat conservateur. Même les tabloïds ultra-conservateurs commençaient à railler la « taxe Alzheimer » de Mme May, qui voulait augmenter la part acquittée par les familles propriétaires de leur logement pour les soins à domicile aux personnes dépendantes. Lundi, elle avait dû faire volte-face lors d’un meeting houleux, promettant que ces dépenses seraient plafonnées.

« Ceci n’est pas “fort et stable”. C’est panique et marche arrière toute », avaient ricané les lib-dem. Le virage à 180 degrés de Mme May affaiblit sa rhétorique d’autorité dans les négociations avec l’UE. « Si c’est ainsi que les tories gèrent leur programme, comment vont-ils gérer les négociations sur le Brexit ? », avait interrogé le Labour.

Outre les protestations d’élus en campagne qui commençaient à recevoir un accueil hostile lors des opérations de porte-à-porte, le resserrement de l’écart entre tories et Labour dans les intentions de vote semble avoir provoqué ce brusque coup de volant. Les conservateurs de Mme May restent largement favoris (43 % à 46 %), mais les travaillistes ne sont plus qu’à 9 points de pourcentage derrière eux alors que près de 20 points les séparaient voici un mois. Même si la cote de popularité personnelle de Jeremy Corbyn, le leader du Labour, reste médiocre – 56 % des Britanniques pensent qu’il serait un premier ministre « désastreux » –, le programme très à gauche qu’il défend marque des points dans l’opinion.

Tandis que le Labour se fait le plus discret possible sur le Brexit qui divise son électorat, Theresa May, elle, met en avant son autorité et sa fermeté à la veille de l’ouverture des négociations avec l’UE, qui s’annoncent âpres. Elle promet que de « larges opportunités » vont s’ouvrir en cas de « succès » des négociations avec les Vingt-Sept. « Mais si nous échouons, les conséquences (…) pour la sécurité économique des travailleurs ordinaires seront catastrophiques ». Pour la première fois depuis le référendum, la peur du Brexit avait fait son entrée dans l’arsenal électoral des tories. Mais c’était avant Manchester.