Les Israéliens n’ont ni les lustres ni les salles de réception clinquantes de la dynastie saoudienne, mais ils compensent en adjectifs. Loin des tourments politiques qu’il affronte aux Etats-Unis, Donald Trump a été accueilli, lundi 22 mai, avec des effusions d’amitié. De son atterrissage à l’aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv jusqu’à son dîner avec le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, le président américain a bénéficié d’une déférence rarement égalée. Il y a répondu généreusement.

C’était une journée lors de laquelle les pas comptaient plus que les mots, les symboles suffisaient à alimenter la chronique. Les discours restaient assez flous pour ne pas injurier l’avenir, laissant aux conseillers, en coulisse, le soin d’aborder les dossiers. M. Trump s’en est tenu à un script discipliné, évitant d’aborder toute question épineuse, comme la poursuite de la colonisation ou le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem.

Lieux symboliques

Le président américain a multiplié les hommages à l’Arabie saoudite, qui venait de l’accueillir avec faste, et a concentré ses critiques sur l’Iran, qui doit cesser « le financement, l’entraînement et l’équipement meurtriers de terroristes et de milices ». « L’Iran n’aura jamais l’arme nucléaire », a-t-il lancé. La seule bourde de M. Trump fut une sortie improvisée sur le fait qu’il n’avait jamais prononcé le nom d’Israël, au cours de la fameuse rencontre, le 10 mai, à la Maison Blanche avec le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Une sorte d’aveu en creux, qui ne répondait pas à la question de la confidentialité éventuelle des informations transmises ce jour-là à une puissance étrangère.

En revanche, aucune précision n’a été donnée sur la façon dont l’administration Trump compte réussir là où toutes les précédentes ont échoué, en parvenant à l’« accord ultime » entre Israéliens et Palestiniens. M. Nétanyahou était radieux et soulagé : aucune pression ou critique n’a été exprimée à son endroit. Aucune référence à un Etat palestinien n’a été évoquée. Les appels répétés à la paix dans un cadre régional étaient aussi consensuels que vagues. Lors de l’accueil de Donald Trump à l’aéroport, le premier ministre israélien avait posé le cadre de tout accord éventuel : « La paix que nous recherchons est authentique et durable, une paix dans laquelle l’Etat juif est reconnu, la sécurité demeure entre les mains d’Israël et le conflit prend fin une fois pour toutes. »

Mardi matin, Donald Trump a effectué un déplacement éclair à Bethléem, en Cisjordanie, pour s’entretenir avec le président Mahmoud Abbas, qu’il avait reçu à la Maison Blanche le 3 mai. Dimanche, le gouvernement israélien a adopté quelques mesures visant à favoriser la circulation des Palestiniens (notamment vers la Jordanie, via le pont Allenby) et le développement de leur économie. Ces gestes modestes de bonne volonté ne changent rien à l’équation politique très défavorable à toute reprise de négociations entre les deux parties, interrompues au printemps 2014.

Visite des lieux symboliques

Mardi après-midi, il doit prononcer un discours au Musée d’Israël, dans lequel il est censé donner plus de substance au nouvel effort de médiation américain. A l’origine, l’administration américaine pensait organiser cette intervention au milieu des ruines de Massada, dans le désert de Judée. Mais elle a dû renoncer, car l’hélicoptère présidentiel n’était pas autorisé à y atterrir.

Cependant, le président a largement eu recours aux lieux symboliques au cours de sa visite. Lundi, Donald Trump a effectué une visite privée à l’église du Saint-Sépulcre, dans la Vieille Ville de Jérusalem, tandis que la cité était soumise à une sorte d’état de siège, avec des milliers de policiers mobilisés et des routes fermées. Puis il a déposé une prière dans une fente du mur des Lamentations, lors d’une séquence forte pour le public israélien, même si aucun officiel ne l’accompagnait. C’est la première fois qu’un président américain en exercice se rend sur ce site sacré du judaïsme.

Ces images ont conféré davantage de solennité à la visite que celles de l’aéroport, quelques heures plus tôt. Lors de la longue séance de salutation des officiels israéliens, Donald Trump avait fini par arriver face à un homme hilare qui n’était pas convié, le député (Likoud) Oren Hazan. Outre son soutien à Marine Le Pen pendant la présidentielle française, celui-ci est surtout connu pour avoir géré, selon les médias israéliens, un casino en Bulgarie où il fournissait aux clients drogues et prostituées. M. Hazan a contraint M. Trump à prendre un selfie, à la fureur de M. Nétanyahou, qui a essayé de le dissuader du bras. Les réseaux sociaux se sont aussi amusés d’une confidence de Sara Nétanyahou à Melania Trump, saisie par un micro sur le tarmac : « Nous aussi, la presse nous hait et le public nous adore. »