SKF a annoncé le regroupement à Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire) de toutes les productions de kits de rechange automobile. | GUILLAUME SOUVANT / AFP

L’enquête publique a débuté lundi 22 mai. Pendant un mois, les habitants de Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne, sont appelés à donner leur avis sur le nouveau projet géant d’Amazon. Le leader américain de la distribution, de livres en particulier, veut construire un immense entrepôt sur l’ancienne base aérienne militaire de Brétigny, fermée depuis 2012.

Amazon voit très grand : le futur complexe logistique, organisé autour de deux bâtiments, « est conçu pour accueillir 2 200 personnes en simultané », précise le document soumis à consultation. Il devrait fonctionner 24 heures sur 24, en trois équipes, pour peu que le groupe soit bien autorisé à faire sortir de terre cette plate-forme, sa sixième en France et sa première en région parisienne.

Le cas Amazon n’est pas isolé. Dans l’Hexagone, pas moins de 779 projets de construction ou d’extension d’entrepôts, d’usines, de sièges sociaux, de centres de recherche, etc., ont été annoncés par des investisseurs étrangers en 2016, selon une étude publiée mardi 23 mai par le cabinet de conseil EY. C’est 30 % de plus qu’en 2015. « La France n’avait jamais accueilli autant d’implantations internationales depuis au moins dix ans », précise Marc Lhermitte, l’un des auteurs de l’étude.

Une vague spectaculaire en Europe

Ces chiffres confirment l’embellie déjà relevée en mars par Business France, l’agence publique chargée d’attirer les investissements étrangers. Surtout, ils montrent qu’après avoir décroché durant des années, « la France commence à combler son retard par rapport aux autres pays européens », estime M. Lhermitte.

En 2016, l’Hexagone a en effet mieux profité que d’autres de la spectaculaire vague d’investissements enregistrée en Europe. Globalement, quelque 5 845 projets ont été recensés dans les 43 pays étudiés par EY (y compris la Russie et la Turquie), soit un bond de 15 % en un an.

La moitié des projets émane de groupes européens qui s’étendent dans un autre pays du continent, comme le suisse Nestlé, qui s’apprête à investir 37 millions d’euros pour corser les capacités de son usine Nescafé de Gérone, en Espagne. L’autre moitié des investissements provient de groupes américains, chinois, etc. L’ensemble devrait aboutir à la création de 260 000 emplois, un record historique.

« L’Europe a retrouvé la confiance des investisseurs », analysent les experts d’EY, qui mettent en avant une série d’explications. En particulier la croissance du marché intérieur, voisine de 1,5 % à 2 % par an dans la zone euro, et la relative faiblesse de l’euro par rapport au dollar, qui soutient la compétitivité des pays concernés.

En France, « une dynamique s’est enclenchée »

La Grande-Bretagne reste le premier pays à profiter du mouvement. Au sein de cette « grande Europe », elle capte encore un projet sur cinq. Mais depuis le vote sur le Brexit en juin 2016, plusieurs clignotants se sont allumés. Le nombre total d’investissements n’y a augmenté que de 7 % l’année dernière, moins que la moyenne européenne. Et en ce qui concerne spécifiquement les sièges sociaux et les centres de recherche, les implantations ont reculé de 30 % à 40 % en un an.

Tandis que l’Allemagne conserve sa solide deuxième place au podium, la France, sur la troisième marche, regagne du terrain. Ces dernières années, elle attirait une proportion de plus en plus faible des investissements étranges recensés par EY en Europe.

De 16 % en 2006, sa « part de marché » était tombée en 2015 à 12 %, son plus bas niveau historique. Elle est remontée à 13 % en 2016. « Une dynamique s’est enclenchée », liée à la reprise économique et à un regain de confiance dans les politiques publiques, plus favorables aux entreprises qu’au début du quinquennat Hollande, estime M. Lhermitte.

Le phénomène est tiré par les projets dans le tertiaire et la logistique, comme celui d’Amazon à Brétigny-sur-Orge, mais aussi ceux de l’allemand Zalando à Moissy-Cramayel (Essonne), ou des américains FedEx à Roissy (Val-d’Oise) et UPS à Lyon et Evry (Essonne).

Peu de projets dans l’industrie

Côté industrie, en revanche, les chantiers demeurent assez rares (212 en 2016 comme en 2015). Surtout, il s’agit dans 80 % des cas d’extensions de sites existants, et de projets créant peu d’emplois.

Dernier exemple en date : le suédois SKF, le leader mondial des roulements à billes, annonce ce mardi 23 mai le regroupement dans son usine de Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire) de toutes les productions de kits de rechange automobile réalisés jusqu’à présent à Göteborg, en Suède, et à Poggio Rusco, en Italie, ainsi que d’activités effectuées à Singapour. Pour une fois, une délocalisation industrielle profite à la France !

« Nous souhaitons rapprocher la production des clients, et notre pays dispose de vrais points forts, notamment grâce aux accords conclus avec les syndicats et au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi [CICE] », affirme Stéphane Le Mounier, le président de SKF en France. L’impact sur l’emploi reste cependant limité : le site de Saint-Cyr-sur-Loire, où travaillent 1 300 personnes, devrait voir son effectif gonfler de 60 personnes en cinq ans.

Compte tenu de l’image que la plupart des décideurs internationaux gardent de la France en matière de coût du travail, de fiscalité, de lourdeur administrative, c’est en Pologne, en Hongrie, en Roumanie, que sont implantées les nouvelles grandes usines. Pas dans l’Hexagone.

« La France est reconnue pour sa politique en faveur des start-up et sa capacité d’innovation, et Paris figure parmi les capitales européennes les plus attractives, mais la série de handicaps reste forte, juge M. Lhermitte. Le rattrapage entamé montre tout le chemin qui reste à effectuer. »