Aux abords de la Manchester Arena, après l’attentat, lundi 22 mai. | Joel Goodman/LNP / London News Pictures/MAXPPP

Le Royaume-Uni a de nouveau été frappé par un attentat, le plus meurtrier depuis douze ans. Au moins vingt-deux morts et près de 60 blessés ont été dénombrés à l’issue d’un concert de la chanteuse pop américaine Ariana Grande, lundi 22 mai, à Manchester. L’attaque, provoquée par un kamikaze, « un homme ayant actionné un engin explosif », selon le communiqué de la police locale, a eu lieu dans la zone du foyer de la salle de spectacle, la Manchester Arena, provoquant des scènes de panique autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des lieux, où de nombreux parents attendaient leurs enfants.

Une foule de témoignages, relayés immédiatement par les médias et les réseaux sociaux, ont affirmé avoir entendu une puissante déflagration vers 22 h 30, soit quelques minutes à peine après la fin du concert. « Nous étions en train de quitter la salle lorsqu’on a entendu un bang, comme une explosion, qui a paniqué tout le monde, et tout le monde essayait de fuir », a raconté Majid Khan, 22 ans, à l’agence britannique Press Association. « C’était une seule explosion et pratiquement tout le monde de l’autre côté de la salle, où le bruit a été entendu, est soudainement venu courir vers notre direction pour essayer de sortir », a-t-il ajouté.

« Nous savions que cela ne faisait pas partie du spectacle »

Le public était en grande majorité composé d’enfants et d’adolescents, parfois accompagnés de leurs parents. « J’étais parmi les plus âgés dans la salle », expliquait Grace McLaughlin, 23 ans, à l’envoyé spécial du Monde mardi matin. Molly Moore, 14 ans, qui « comptait les jours avant le concert depuis 208 jours », a passé la nuit à l’abri dans une partie de l’Arena sécurisée par la police. Mardi matin, elle se trouvait encore avec sa mère, hébétée dans son accoutrement de fan d’Ariana Grande, à proximité des cordons de sécurité installés par la police.

Les témoins et les spectateurs présents n’ont pas réalisé immédiatement l’ampleur du drame. Erin McDougle, 20 ans, de Newcastle, a déclaré : « Il y a eu une forte explosion à la fin du concert. Les lumières étaient déjà allumées, nous savions que cela ne faisait pas partie du spectacle. Il y a eu beaucoup de fumée. Les gens ont commencé à partir dans tous les sens. Quand nous sommes sortis de l’Arena, il y avait des dizaines de camionnettes de police et quelques ambulances. »

Sur Facebook, une spectatrice du nom d’Abby Mullen a expliqué que l’explosion s’était produite à proximité d’une des sorties de la salle vers laquelle elle et d’autres spectateurs se massaient. « J’ai reçu du sang et des morceaux de peau sur moi, dans mes cheveux, sur mon sac. Je continue une heure après à retrouver des morceaux de Dieu sait quoi. Le bruit de l’explosion, le sang, les gens courant complètement perdus avec des morceaux de peau arrachés ne quitteront pas ma tête de sitôt. »

« L’attaquant est mort dans l’enceinte de la salle »

La police s’est immédiatement rendue sur place, isolant la zone vers 22 h 35, a constaté un photographe de l’AFP. Dès minuit, les autorités évoquaient « un possible acte terroriste ». Selon le Guardian, un témoin a dit avoir vu des écrous et des boulons éparpillés sur le sol du foyer après l’attaque, ce qui pourrait suggérer une bombe artisanale destinée à faire le plus de victimes possible.

« Nous travaillons à établir tous les détails de ce qui est traité par la police comme une épouvantable attaque terroriste », a réagi la première ministre britannique, Theresa May, en exprimant sa sympathie aux familles. Mme May et son rival travailliste Jeremy Corbyn ont décidé de « suspendre jusqu’à nouvel ordre » leur campagne en vue des élections législatives du 8 juin, a déclaré M. Corbyn. La première ministre devait tenir une réunion d’urgence du comité de crise du gouvernement dans la matinée. La priorité des enquêteurs, selon le communiqué de la police de Manchester, rendu public à 8 heures mardi, est « d’établir si l’auteur de l’attaque a agi seul ou s’il faisait partie d’un réseau ». Le chef de la police, Ian Hopkins, a ajouté : « L’attaquant, je le confirme, est mort dans l’enceinte de la salle. »

L’attentat s’est déroulé deux mois jour pour jour après celui de Londres qui avait fait cinq morts, lorsqu’un homme avait foncé dans la foule avec un véhicule et poignardé un policier avant d’être abattu, près du Parlement. En juillet 2005, une série d’attentats suicides avaient fait 56 morts, dont les quatre kamikazes, et 700 blessés dans les transports londoniens. Un groupe se réclamant d’Al-Qaida avait alors revendiqué les attaques. Le maire du Grand Manchester, Andy Burnham, ancien ministre de l’intérieur lors de ces attaques londoniennes, a déclaré : « J’étais au ministère de l’intérieur et je me souviens de ce que Londres a ressenti ce jour-là. Londres s’est rassemblée exactement comme Manchester va le faire. Nous serons forts et nous resterons ensemble, c’est ce que nous sommes. C’est ce que nous faisons. Ils ne gagneront donc pas. Nous sommes en deuil, nous sommes blessés aujourd’hui, mais comme je l’ai dit, nous sommes forts. »

Sur place, à Manchester, 400 policiers ont été déployés toute la nuit autour de la salle de spectacle. Une enquête a immédiatement été ouverte par le MI5, le service de sécurité nationale britannique.

Solidarité des habitants

Des témoins ont décrit comment, après le concert, une lumière violente est apparue accompagnée d’une forte détonation. « On a écouté la dernière chanson et soudain, il y a eu comme un flash avec un bang et puis de la fumée », a raconté à la BBC Gary Walker, de Leeds, venu avec sa femme pour attendre leur fille à la sortie du concert. M. Walker a dit avoir été blessé au pied par un éclat de métal et sa femme a été blessée à l’estomac. Elena Semino, qui attendait sa fille de 17 ans au guichet de vente des billets, a raconté au Guardian : « J’ai senti une forte chaleur dans mon cou et quand j’ai levé la tête, il y avait des corps partout. »

Selon les témoignages, les quelque 21 000 personnes présentes dans la Manchester Arena ont couru dans un sens, avant de partir dans l’autre. « Tout le monde paniquait, ça poussait dans les escaliers », a déclaré Isabel Hodgins à la chaîne de télévision Sky News, précisant : « Le couloir était plein de monde, il y avait une odeur de brûlé, il y avait beaucoup de fumée pendant qu’on sortait. »

Citant des témoins, la BBC a fait état de 20 à 30 personnes « allongées sur le sol » devant la salle de concert. Un récit similaire à celui de Tyler, un serveur du Steven Charles Snooker Club, un établissement situé non loin de la Manchester Arena, qui a recueilli de « nombreuses personnes en panique » et vu « une femme faire une crise cardiaque ».

Très vite, les habitants de Manchester se sont mobilisés pour venir en aide aux spectateurs et à leurs familles. A l’aide du hashtag #roomformanchester, les propositions d’hébergement se sont multipliées Twitter. Facebook a activé Safety Check, sa fonction de vérification de sécurité. Les conducteurs de taxis ont eux convergé vers l’Arena, offrant des trajets gratuits aux personnes dans le besoin. Les personnes ont également utilisé toute la nuit le hashtag #Manchester pour demander de l’aide pour trouver des amis et des membres de la famille de disparus.

Mardi matin, la ville anglaise tournait au ralenti, avec de nombreuses artères encore bloquées par la police, ainsi que la gare de Victoria, d’où partent les trains et plusieurs lignes de tramway. La plupart des habitants choqués découvraient avec horreur les détails de la nuit à l’Arena. Une commerçante du centre-ville résumait ainsi le sentiment général : « Quels connards… S’attaquer à un concert d’enfants ! »