La Grèce : il s’agit de la dernière crise non résolue de la zone euro, et d’un sujet à propos duquel il devient de plus en plus difficile de défendre en termes positifs l’action des Européens. Lundi 22 mai, les ministres des finances de l’Eurozone réunis à Bruxelles sont sortis de réunion au milieu de la nuit sans parvenir à un accord sur le versement d’une nouvelle tranche d’aide à Athènes, alors que le gouvernement Tsipras espérait au moins 7 milliards d’euros de prêts.

Ces sommes considérables, la Grèce en a pourtant absolument besoin pour parvenir à faire face, début juillet, à d’importantes échéances de remboursement auprès de la Banque centrale européenne (BCE), un de ses trois principaux créanciers – avec le Fonds monétaire international (FMI) et le Mécanisme européen de stabilité (MES).

Surtout, Athènes n’a rien obtenu de concret lundi concernant des mesures d’allégement de l’énorme dette publique du pays (180 % de son produit intérieur brut). Alexis Tsipras, le premier ministre de la gauche radicale, promet pourtant de réduire le fardeau de la dette depuis qu’il a été élu, en janvier 2015, sans avoir réussi à obtenir jusqu’à présent de concessions significatives de la part de ses créanciers.

Les Grecs ont pourtant largement fait leur part du chemin. Ces derniers mois, pour espérer toucher d’autres prêts dans le cadre du troisième plan d’aide (86 milliards au total, décidé à l’été 2015), ils ont accepté pas moins de 140 mesures de rigueur (réformes, réduction des dépenses, augmentation des prélèvements).

Les Grecs otages d’un bras de fer les dépassant largement

« Ces réformes ne sont pas mineures, elles sont amples et profondes », a précisé lundi le commissaire européen à l’économie Pierre Moscovici, évoquant, entre autres « les administrations publiques, des privatisations, des mesures budgétaires additionnelles »

Espérant un accord à l’Eurogroupe, le parlement grec a d’ailleurs adopté ces derniers jours une loi « omnibus » portant sur 45 des actions préconisées par les créanciers, dont une nouvelle réforme des retraites, la treizième (!) depuis le début de la récession en 2010… Mais ce ne fut pas suffisant pour convaincre à Bruxelles lundi.

La vérité, c’est que depuis plus d’un an, les Grecs sont les otages d’un bras de fer les dépassant largement. Il oppose principalement le FMI au très écouté ministre des finances allemand Wolfgang Schaüble. Ce dernier réclame que le Fonds, qui n’a toujours pas pris sa décision, participe enfin financièrement au troisième plan d’aide à la Grèce, pour tenir une promesse faite devant les élus du Bundestag à l’été 2015.

Mais le Fonds, pour des raisons à la fois politiques et de fonctionnement interne, hésite toujours et réclame, en échange de son ralliement, un allégement substantiel de la dette grecque. allégement dont Berlin mais aussi les Finlandais ou les Néerlandais contestent la nécessité.

Urgence

Cette situation de blocage serait responsable de la révision à la baisse par Athènes de sa prévision de croissance du PIB pour 2017 (passée de 2,7 % à 1,8 %), les incertitudes liées à l’aide grecque ayant pour effet de décourager les investisseurs dans le pays.

Elle est d’autant plus aberrante que les Grecs n’ont pas besoin de l’argent du FMI, n’ayant pour l’instant « tiré » qu’un peu plus de 30 milliards d’euros sur les 86 milliards rendus disponibles dans le cadre du troisième plan d’aide. Sans compter que, délivrés à court terme, ces prêts sont plus coûteux à rembourser pour la Grèce que ceux octroyés par la BCE et le MES…

Lundi soir, conscients de l’urgence de la solution, les parties sont pourtant passées tout près d’un accord, l’Allemagne acceptant par exemple de n’exiger un surplus primaire grec (surplus budgétaire hors paiement des dettes) de 3,5 % du PIB que jusqu’en 2022 (au lieu de 2027). Mais le FMI aurait proposé de n’octroyer un prêt à la Grèce qu’à la fin du troisième plan d’aide (mi-2018). Redoutant un demi-accord, sans toutes les mesures de dette souhaitées, les Grecs auraient préféré repousser cette offre.

Ils comptent désormais sur le dernier Eurogroupe prévu avant leurs échéances de remboursement de juillet, le 15 juin, pour parvenir enfin à s’entendre. A moins qu’ils ne parient sur un accord au sommet entre le président français et la chancelière Merkel, qui se croiseront au G7 de Taormine, les 26 et 27 mai ? Quelques heures avant l’Eurogroupe, Emmanuel Macron avait fait savoir qu’il s’était entretenu par téléphone avec Alexis Tsipras pour lui affirmer sa volonté de « trouver un accord prochainement pour alléger dans la durée le poids de la dette ».