Nouvelle étape dans la construction d’Altice, l’empire des télécommunications et des médias de Patrick Drahi. Le groupe a annoncé mardi 23 mai une vaste refonte de l’ensemble de ses marques. Adieu SFR en France, PT Portugal, Hot en Israël, et Suddenlink et Optimum (CableVision) aux Etats-Unis : Altice deviendra la bannière unique de toutes les activités de télécommunications de l’homme d’affaires. « Il nous manquait encore quelque chose pour devenir un groupe. Nous allons devenir une marque unifiée. C’est une étape très importante pour Altice, qui a un ADN d’entrepreneur », a justifié Michel Combes, le directeur général d’Altice, en dévoilant le nouveau logo de la société, une lettre « a » écrite en minuscule censée symboliser « un chemin libre sans aucune frontière », selon Michel Combes.

Le slogan – « aujourd’hui n’a pas de limite » – veut rappeler l’itinéraire de Patrick Drahi, dont l’aventure Altice a commencé en 1993 à Châteaurenard (Bouches-du-Rhône) pour atterrir ici à New York, où le magnat des télécommunications a choisi de donner le coup d’envoi de ce nouveau virage. Une façon de rappeler que le centre de gravité s’est déplacé de ce côté-ci de l’Atlantique, où se prépare d’ailleurs l’introduction en Bourse de la filiale américaine.

Transition progressive

Faire passer le message en interne et en externe promet d’être un chantier délicat. « C’est un exercice assez lourd », a reconnu Michel Combes. Partout, la transition sera progressive. Altice deviendra d’abord le nom officiel des différentes entités juridiques du groupe. Les consommateurs seront habitués en douceur. Dans un premier temps, Altice se contentera d’être mentionné au côté des marques actuelles, avant de les remplacer. Classique, la méthode avait été employée par France Télécom au moment de sa transition avec Orange. Michel Combes y officiait d’ailleurs à l’époque.

La République dominicaine inaugurera le premier basculement total au quatrième trimestre 2017. Particularité, Altice y opère sous la marque Orange, ancienne filiale de l’opérateur français qu’il avait rachetée à la fin de 2013 pour 1,1 milliard d’euros. Les autres marques du groupe, SFR, Meo, le nom commercial de PT Portugal, Hot en Israël, Suddenlink et Optimum auront disparu d’ici au deuxième trimestre 2018.

En revanche, les médias du groupe, à l’image des chaînes BFM ou de la radio RMC, conservent leur nom d’origine. Les marques télécoms visant des niches, comme les offres d’entrées de gamme de SFR, Red, ainsi que l’agence numérique, Teads, seront également préservées.

Cette mutation devrait aussi être vécue avec émotion par de nombreux salariés. « Vous devez être sûrs que les employés comprennent bien ce que vous faites », a dit Michel Combes. La marque SFR fête ses 30 ans cette année. C’est donc une page importante de l’histoire qui se tourne, alors que l’entreprise a été fortement secouée depuis son rachat il y a un peu plus de deux ans par Patrick Drahi. Elle est encore en pleine mutation. Un plan de départs volontaires prévoyant la suppression d’un tiers des effectifs, soit 5 000 postes, est en cours.

« Nous avons changé de ligue »

Dans l’Hexagone, Michel Combes veut croire que le sentiment envers l’entreprise a changé. De fait, même si d’un point de vue commercial l’essai reste à transformer, SFR s’est mis à réinvestir massivement dans les réseaux fixes et mobiles. Il s’est aussi lancé dans la production de contenus et l’achat de droits sportifs, avec l’acquisition récente des droits de diffusion de la Ligue des champions et de la Ligue Europa pour plus de 350 millions d’euros. Michel Combes n’a pu s’empêcher de filer la métaphore footballistique. « Nous avons changé de ligue. Nous étions un groupe télécoms. Nous sommes un peu plus. Nous allons tirer parti de cette convergence », a-t-il justifié.

La future campagne de communication, qui accompagnera le changement, a été imaginée par Turner Duckworth, une agence de création propriété de Publicis qui avait conçu la nouvelle identité d’Amazon. Silence radio en revanche sur les sommes investies pour mener à bien ce projet. « Nous allons économiser en agence médias et de création. Cela compensera les dépenses dans la nouvelle marque », a lancé Michel Combes, sans préciser. Altice fait actuellement travailler huit agences d’achat d’espaces et dix agences création, soit dix-huit entités. Demain, le groupe ne misera plus que sur deux structures, l’une pour la gestion des campagnes de publicités, l’autre pour la création. Même s’il n’a pour l’instant pas fait son choix, Publicis semble bien placé pour emporter la partie créative.

La décision d’imposer Altice n’a pas été prise à la légère. Ce changement de marque, Patrick Drahi l’a évoqué pour la première fois en avril 2016 dans les montagnes suisses lors d’un séminaire réunissant sa garde rapprochée, de Michel Combes à Alain Weill, le patron de la branche médias, en passant par Dexter Goei, qui dirige la partie américaine. « Nous étions au tout début de la réflexion. Il fallait qu’elle mûrisse, et que nous embarquions nos collègues », reconnaît Michel Combes. Un tabou visiblement plus facile à briser depuis Times Square que depuis Paris.